La Relève : L’enseignement dans un lycée privé hors-contrat

Expérience d’un jeune enseignant

Comme la plupart des droits dans la société capitaliste, l’accès à l’éducation (élémentaire, secondaire, supérieure) n’est qu’une pure formalité soumise à d’autres facteurs socioculturels et économiques. Ainsi, lorsqu’une partie de la jeunesse en France n’arrive pas à remplir les critères académiques et comportementaux pour demeurer dans l’enseignement public, les collèges/lycées hors contrats apparaissent comme le moyen de satisfaction de la demande sur le marché de l’éducation.

Deux aspects sont à retenir quant aux établissements hors contrats. D’une part, les conditions de formation irrégulières auxquelles sont soumises les jeunes : celles-ci portent une logique capitaliste qui donnent à ces institutions une logique d’entreprise. C’est ainsi que, d’autre part, les conditions de travail et d’emploi des salariés relèvent d’une des formes les plus ingrates du travail salarié en France. Je partirai de ma propre expérience pour rendre compte de tout cela.

À l’image d’une autre entreprise, le collège/lycée hors contrat dans lequel je travaille est soumis aux contraintes des coûts de production du service. L’employeur (tout aussi directeur et professeur de l’établissement) est amené à les baisser le plus possible afin que ce « négoce » soit rentable. Par conséquent, c’est en partie au niveau des conditions d’études qu’il faut agir. Dans le cadre de cet établissement, des étudiants de niveaux différents sont amenés à partager le même cours. C’est à l’enseignante ou à l’enseignant que revient ainsi le devoir d’ « ajuster » le contenu de son programme pour un public largement hétérogène. En d’autres mots, les élèves de seconde et de première peuvent avoir le programme des terminales sans avoir eu les bases nécessaires au préalable. Comment comprendre ce qu’est le PIB sans ne rien savoir sur ce qu’est un « bien » et un « service » ? Comment expliquer les enjeux des taux de change si aucune connaissance préalable n’existe sur la « monnaie » ? Cette situation est transversale à plusieurs enseignements et s’explique notamment par les pertes pouvant induire chez l’employeur une augmentation des heures de cours.

Dans un tel cadre, les élèves risquent d’arriver à la fin de l’année sans avoir passé l’ensemble du programme. Les élèves en terminale font ainsi face à plusieurs difficultés au moment de passer les épreuves.

Par ailleurs, cette situation affecte également les enseignantes et enseignants. Sous la pression des parents d’élèves, ils sont soumis à l’exigence de devoir passer plus vite les contenus respectifs dans des créneaux horaires largement inférieurs à ceux du secteur public. De même, la politique de réduction des coûts encadrant et orientant le service, est à l’origine de salaires mensuels largement en rupture avec le temps travaillé. À titre d’exemple, 10 heures hebdomadaires peuvent valoir moins de 400 euros nets dans cet établissement. La raison a trait aussi à la non rémunération des heures de travail non présentielles (préparation des cours, des examens, etc.).

Des situations encore plus insolites peuvent se présenter. Le capitalisme nécessite du travail non payé pour fonctionner. C’est le cas par exemple du travail domestique. Dans ce collège/lycée, certains secteurs du personnel, essentiellement féminisés, peuvent être amenés à réaliser des tâches, d’une part non prescrites dans leurs contrats (dans le cas d’en avoir), d’autre part non payées. Faire le ménage, surveiller les élèves et passer l’appel font partie du travail bénévole qui permet à cet établissement de fonctionner et d’avoir des marges de profit plus importantes.

Un tel environnement éducatif est à l’origine d’une auto-disqualification de la part des élèves ainsi que du personnel. Le fait d’étudier dans un environnement relativement dégradé (certaines tables cassées, des prises électriques qui ne marchent pas, etc.), de ne pas avoir suffisamment d’heures de cours, d’être issus de trajectoires académiques « descendantes » ainsi que de cadres familiaux fragilisés, sont certains des aspects à la base d’une perte d’estime de soi.

Ce type d’établissement est le résultat de la société capitaliste qui, au travers de son système économique et de ses institutions, permet l’existence d’un marché parallèle pouvant absorber les élèves issus des couches sociales les mieux placées du peuple-travailleur. Face à cela, les élèves et les salariés du secteur éducatif sont appelés à se mobiliser pour une société socialiste, où l’enseignement sera un droit réel au service classe ouvrière et des secteurs populaires et où, avec la fin de la propriété privée, le travail sera réellement émancipateur.

Camilo