« Islamo-gauchisme » : comprendre le vocabulaire réactionnaire

Ce dimanche 14 février, la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal, nous a déclaré lors d’une interview sur Cnews qu’elle désirait que le CNRS lance une enquête dans les universités à propos de « l’islamo-gauchisme », qui « gangrène la société dans son ensemble ». Nous pourrions ici tenter de démontrer en quoi ce concept est faux, mais cela fut et est encore déjà fait par différentes personnalités. Nous pourrions également réfléchir sur la proximité inquiétante avec la vieille idée du « judéo-bolchévisme », mais ici encore, beaucoup ont apporté leurs arguments pour démontrer cette filiation historique au sein des mouvements les plus réactionnaires et fascisants. Plus simplement, nous allons nous attarder sur la manière dont se véhicule et fonctionne un terme comme celui-ci, afin que même dans notre vie quotidienne nous sachions repérer et contrer ce type d’argumentaire. Il s’agit de deux clés simples, évidemment non-exhaustives, des caractéristiques typiques de ces mots-valises des forces droitières.

Premièrement, on sait que l’on a affaire à un argument de l’idéologie dominante lorsque celle-ci fonctionne par abstraction. Pour être plus précis, il suffit de choisir un aspect de la réalité, on l’abstrait : que cela soit un objet, une organisation ou un groupe de personnes. Une fois abstrait, il faut l’ériger en représentation de ce qu’est essentiellement cet objet. Ainsi, les débats sans fin qui n’ont aucune attache avec le réel, comme pour savoir si « l’islam est compatible avec la République ». Notre réponse doit être simple. Lorsque l’on dit l’islam, nous parlons de quoi, de qui ? Quelles organisations concrètes, quelles applications, quelles tendances ? « L’islam » est un terme absolu gommant les multitudes de différences entre par exemple un gouvernement religieux comme l’Iran, une organisation comme le Hezbollah et une association comme « Musulmans de France ». Pour la classe dominante, il suffira de créer cette pure abstraction de « l’islam », éternel et identique en tout lieux, sans aucuns liens avec les fameux « hommes réels » de Marx et leurs organisations.

Deuxièmement, une fois que vous avez ces abstractions, comment les faire fonctionner et créer des arguments, s’ils n’ont rien de concret ? Par l’analogie. Pour être ici aussi très simple, il suffira de voir ce qui ressemble, ce qui est similaire, entre ces différentes abstractions. L’on arrive alors à tout un complexe d’idées fonctionnant comme un véritable jeu de miroir : le judéo-bolchévisme communique avec l’islamo-gauchisme, ou le fameux totalitarisme commun d’Hitler et de Staline communiquant avec le terme de « gauche islamo-collabo ». Ainsi, la classe bourgeoise construit une galerie sans fin d’image d’Épinal éternel et idéalisé. Pour ne citer que quelques exemples dans le désordre : « les musulmans », « la gauche », « le libre marché », « les Français pensent que.. », « les valeurs de la République », « la racaille » etc.

Nous disposons, nous communistes, d’une science, le matérialisme historique et de sa méthodologie, le matérialisme dialectique. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons véritablement comprendre le réel et le changer au même instant dans la pratique. En clair, ces deux caractéristiques très simples, abstraction et analogie, sont un bon moyen de dépister et de combattre l’idéologie dominante pour ce qu’elle est : une suite de dessins ratés d’un enfant de huit ans.

Bross