Les 11 avril et 6 juin 2021 ont eu lieu les élections générales au Pérou qui visent à élire le président de la République, ses vice-présidents et les députés du congrès de la République, le parlement monocaméral du pays andin. Intervenant dans un contexte social et politique tendu, ces élections ont créé la surprise en portant l’instituteur Pedro Castillo au poste de président dès le second tour avec 50.14% des suffrages et faisant entrer son parti Perú Libre au congrès avec 13.4% des suffrages, soit 37 sièges. Sa concurrente Keiko Fujimori le talonne avec 49.86% des suffrages pour le second tour et passant à 11,34% des suffrages augmentant ainsi son nombre de députés à 24. Le taux de participation varie entre 70.1% pour le premier tour et 74.6% pour le second tour. Malgré sa 3ème défaite consécutive, Keiko Fujimori a décrié des «irrégularités » et des « indices de fraude » dénonçant ainsi « une claire intention de saboter la volonté du peuple. » Si la mission d’observation électorale de l’Organisation des États américains (OEA) a déclaré ne « pas détecter d’irrégularités graves » jugeant également ce processus électoral de « positif » dans lequel des améliorations substantielles ont été enregistrées entre le premier et le deuxième tour, elle a demandé le 9 juin l’invalidation de quelque 200 000 bulletins issus de 802 bureaux de vote. Cette 3ème défaite menace la candidate de droite de prison : début mars, 30 ans de prison ont été requis à son encontre par le parquet et 22 contre son mari, Mark Vito Villanella, pour avoir reçu 1.12 millions de dollars du monopole brésilien du BTP Odebrecht pour le financement de sa campagne électorale en 2011. Pourtant les enjeux du résultat de ces élections vont bien au-delà de cette sombre affaire.
La contestation politique et sociale des travailleurs et des jeunes prend de l’ampleur. Entre 2016 et 2020, le pays a connu plusieurs mouvements de grève à l’initiative des mineurs. Par exemple en 2016, les travailleurs de Shougang Hierro Perú ont entamé un mouvement de grève générale illimitée pour la hausse des salaires, la lutte contre les violences commises envers les travailleurs et de meilleures conditions sanitaires et sécuritaires. Ou en 2020, les travailleurs de Glencore ont lancé une grève à durée indéterminée le 1er décembre contre les violations des droits au travail et principalement sur les questions de santé et de sécurité durant la pandémie de Covid-19. En décembre 2020 également et après une importante victoire suite au retrait de la loi de promotion agraire adoptée sous la présidence d’Alberto Fujimori (le père de Keiko Fujimori), les ouvriers agricoles ont manifesté pour obtenir une hausse des salaires de 11 à 18 dollars par jour. Si le gouvernement péruvien a entamé un dialogue avec les ouvriers en lutte, ces derniers restent sur leurs gardes. Également en août 2020, alors en pleine pandémie de Covid-19, les personnels soignants au Pérou ont entamé une grève nationale de 48 heures pour protester contre des conditions de travail déplorables et réclament notamment plus de lits d’hôpitaux, de masques, d’oxygène et de médicaments ainsi qu’une hausse du budget de la santé. Pour terminer, il faut également mentionner la gréve illimitée des enseignants dans 4 régions du pays andin en 2017 notamment pour l’augmentation des salaires et l’augmentation du budget du secteur de l’éducation et qui fut dirigé par un certain… Pedro Castillo. Le Pérou est donc clairement à la croisée des chemins.
Pedro Castillo et son parti Perú Libre arrivent au pouvoir sur la base d’un programme radical comportant notamment l’élection d’une assemblée constituante, la reprise du contrôle par l’État des richesses énergétiques et minérales péruviennes et le renforcement de l’agriculture pour stimuler le développement du pays. Tout en rappelant le caractère de classe de l’État comme étant l’instrument de domination d’une classe sur une autre ainsi que la nécessité d’en finir avec le capitalisme, il faut souligner que les résultats de ces élections générales sont celles de toutes les luttes menées par les travailleurs du Pérou tout au long de ces dernières années et qui ont abouti petit à petit à des victoires de plus en plus importantes quantitativement pour procéder à un premier bond qualitatif. Le pays andin est riche d’enseignements pour les travailleurs du monde entier. Les travailleurs du Pérou ne doivent néanmoins pas relâcher la pression car seule la lutte paye et les prochains bonds qualitatifs doivent aboutir au renversement révolutionnaire par les travailleurs du capitalisme, dont le caractère parasitaire, pourri et destructeur est catalysé par la pandémie de Covid-19. Fidèle aux principes de l’internationalisme prolétarien, l’Union de la Jeunesse Communiste (UJC) exprime son soutien fraternel et inconditionnel aux travailleurs du Pérou et à leurs luttes.
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