Alain Griset : brigandage bourgeois à la bonne école

Alain Griset, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises (PME) sous le gouvernement Castex, est cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris en septembre prochain pour omission de déclaration de patrimoine. La déclaration de patrimoine permet d’évaluer non seulement le patrimoine (des élus plus particulièrement, dans un objectif de transparence de la vie publique), mais également les intérêts qui peuvent en découler. Une déclaration complète permet ainsi une nette visibilité sur les intérêts des élus et rend plus difficile une prise illégale d’intérêt, alors davantage susceptible d’être identifiée comme telle. Le ministre délégué aux PME n’est pas le seul collaborateur d’Emmanuel Macron à être dans le viseur de la justice, notamment pour des infractions relatives à ses fonctions ou aux obligations qui en découlent. Le garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, a été mis en examen le 16 juillet pour prise illégale d’intérêt par la Cour de Justice de la République (compétente pour juger des crimes et délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions). Dans ce cadre, le garde des Sceaux est accusé d’avoir utilisé ses fonctions de ministre dans le but de régler ses comptes avec certains magistrats auxquels il avait eu affaire au cours de sa carrière d’avocat. Emmanuel Macron joue-t-il de malchance ou les mandats de ses ministres suivent-ils leur cours habituel ? De nombreuses affaires semblables à celles précitées et leur présence diffuse tout au long de l’histoire de la Vème République penchent en faveur de la deuxième solution. Nicolas Sarkozy, dans l’affaire Sarkozy-Kadhafi, est accusé de corruption passive, recel de détournement de fonds publics libyens, et association de malfaiteurs. Jacques Chirac avant lui avait notamment été jugé coupable de détournement de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d’intérêt dans l’affaire de la mairie de Paris.

La nature même de ces infractions doit mettre en lumière la volonté de la classe dirigeante à abuser de sa position pour renforcer sa domination et protéger ses intérêts privés. Cette démarche, qui n’est théoriquement pas sans risque, est également l’occasion d’observer une solidarité entre les différents membres de la classe dirigeante. Ainsi, de la même façon qu’Emmanuel Macron avait renouvelé toute sa confiance au garde des Sceaux après sa mise en examen, le ministre de l’Intérieur a également apporté son soutien personnel à Nicolas Sarkozy dans l’affaire dite des écoutes, peignant l’ancien Président de la République comme un « homme honnête » (malgré les quatre procédures judiciaires dont il fait actuellement l’objet). Cette apparence de solidarité et de confiance poursuit en fait un objectif simple : il s’agit de maintenir une respectabilité de façade en condamnant de telles infractions en théorie, tout en contestant leur réalité en pratique, afin de donner l’impression d’une classe dirigeante intègre. L’action de la justice pourrait-elle mettre un terme à ces pratiques ? La réponse est négative, et ce principalement pour deux raisons. Tout d’abord, les peines encourues pour ce genre d’infraction sont faibles. À titre d’exemple, la peine encourue pour la prise illégale d’intérêt (article 432-12 du Code Pénal) est de 5 ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende. Le calcul bénéfices/risques, ici, n’est pas difficile à effectuer. La seconde raison est plus subtile et plus grave. La magistrature, élitiste dans sa grande majorité, n’est pas étrangère aux intérêts de la classe dirigeante. La composition du Conseil d’État et de la Cour de Cassation, respectivement cours suprêmes administrative et judiciaire, en témoigne. Présente au plus profond du système judiciaire et administratif, la bourgeoisie a la capacité de modérer les peines et d’adoucir les jugements.

Ainsi, Patrick Balkany a-t-il été condamné à seulement quatre ans de prison dont un avec sursis et dix ans d’inéligibilité pour blanchiment de fraude fiscale et corruption. La cour d’appel de Paris décidera de rendre sa liberté à Patrick Balkany cinq mois après le début de sa détention, pour des raisons de santé. Ces affaires et leur traitement par la classe dirigeante, ainsi que l’inaction de la justice, doivent mettre en lumière la volonté délétère de l’État bourgeois de maintenir en place son système capitaliste, dont le fonctionnement est fondé sur l’inégalité de traitement entre les différentes classes, système dont les seuls bénéficiaires sont les bourgeois eux-mêmes. La protection de leurs intérêts mais également l’expansion de leurs richesses est assurée par ce système verrouillé à tous les niveaux au détriment des besoins du peuple-travailleur. Les fraudes fiscales, les omissions de déclaration de patrimoine, les prises illégales d’intérêt et malversations de toutes sortes révèlent que les travailleurs et les travailleuses n’ont rien à attendre du système capitaliste et de son État bourgeois, et que la question n’est pas de les réformer ou les réguler, mais bien de les renverser.

Nevine