Qui paiera la crise ?

En pleine pandémie, la crise sanitaire du coronavirus devient crise capitaliste à cause du ralentissement de la production. La pandémie agit en accélérateur de la crise de surproduction capitaliste qui couvait depuis des années conjointement avec le conflit Russie – OPEP autour de l’offre et du prix du pétrole. On peut décrire des effets de la crise différents selon deux intervalles de temps : tout d’abord dans l’immédiat, ensuite à moyen terme. Chacun des deux possède des caractéristiques différentes qu’il convient de prendre en compte pour une analyse sereine de la situation actuelle et à venir.

Mais plaçons d’abord les choses dans son contexte. Le confinement entraîne un ralentissement énorme de la production et du profit. Il est déjà prévu que le mois de confinement qui nous attend fasse chuter la croissance capitaliste en France de 1% en 2020. En effet, à titre d’exemple, dans l’industrie automobile les groupes Michelin, Renault et PSA ont arrêté indéfiniment leurs activités en Europe dès la mi-mars ; Safran, Airbus et Dassault ont arrêté pendant quelques jours leurs sites d’assemblage en France et en Espagne pour mettre à place des « conditions d’hygiène et sécurité » relatives à la transmission du virus. Beaucoup d’autres monopoles capitalistes, comme Schneider Electric, Saint Gobain, Sodexo prévoient de fortes baisses de croissance à cause de la crise sanitaire. Les profits d’une minorité comme Vivendi ou les groupes de distribution alimentaires ne sont pas touchés par la crise, ils sont même favorisés par cette dernière.

Mais ce bilan n’est pas définitif et, outre un probable confinement total de la part du gouvernement, qui arrêterait toute production non essentielle comme celui qui a été mis en place en Italie, les travailleurs et travailleuses de tous les secteurs se battent avec acharnement pour faire valoir leur droit de retrait ou pour imposer la fermeture des sites, ce qui peut ajouter des pertes au capital. Dans cette crise sanitaire sous le capitalisme, la mort touche beaucoup plus la classe ouvrière : celle qui se lève tous les matins pour aller produire, distribuer, servir, au service du capital. Voilà le premier prix de la crise économique-sanitaire. Nous assistons pendant le confinement à une lutte acharnée entre les capitalistes et les travailleurs. Les premiers prétendent mitiger le ralentissement de la production en maintenant par tous les moyens la plus grande quantité d’activité dans leurs sites. Les seconds se battent pour leurs vies en faisant prioriser leurs vies sur les profits des patrons. Nous n’oublions pas les énormes efforts et les dangers encourus par les travailleuses et travailleurs de la santé qui mènent une lutte obstinée dans tout le pays contre le virus dans des conditions de travail sapées depuis des années par les gouvernements capitalistes successifs sous les directives du capital monopoliste. Nous leur exprimons notre soutien et notre admiration dans leur travail, mais également dans leurs luttes passées, présentes et à venir.

Chaque travailleuse et travailleur mort sur son poste de travail à cause du Covid-19 sera responsabilité exclusive de l’ensemble des capitalistes et de celui qui l’emploie en premier lieu. Sur ce point, nous exigeons du gouvernement : la fermeture immédiate de toute production non-essentielle à la survie de la population pendant le confinement, des hausses de salaires permanentes, des embauches en CDI dans les hôpitaux publics, la saisie par le ministère de la santé des installations industrielles pouvant fabriquer du matériel sanitaire tel que des masques et des antiseptiques, mais aussi la saisie des moyens et du personnel de la santé privée pour désengorger la santé publique qui supporte jusqu’à maintenant tout le poids du traitement de la pandémie.

Dans le moyen terme, le ralentissement de la production signifie des énormes pertes pour les monopoles capitalistes de chaque pays touché. Et dans le contexte de la concurrence inter-impérialiste pour la conquête de marchés, matières premières et main d’œuvre industrielle, les pertes supposent pour un monopole quelconque des positions perdues par rapport aux monopoles concurrents. C’est le deuxième prix à payer de cette crise, dont les enjeux se placent plutôt dans le moyen terme et les manifestations concrètes se révéleront dans les mois qui suivent. Cependant on peut en donner un aperçu.

Si le premier objectif des capitalistes dès que la pandémie s’installe dans un pays capitaliste est de ralentir le moins possible la production, le deuxième est de récupérer les positions perdues face aux concurrents le plus rapidement possible. Le 1% de décroissance prévu signifie pour les monopoles français moins de possibilités d’investissements dans les pays de la périphérie impérialiste, moins d’investissements en amélioration de machines, de procédés, d’expansion de leurs capitaux. C’est ce qu’on appelle la reproduction élargie du capital, indispensable aux monopoles dans le cadre de la concurrence inter-impérialiste, qui va être très bornée à cause de la crise. Cela veut donc dire moins de possibilités de se placer stratégiquement dans le système impérialiste mondial. Dans un contexte de capitalisme dans sa phase impérialiste, la crise du coronavirus devient crise capitaliste et les positions hégémoniques de chacun des monopoles est en jeu. La pandémie a déclenché une crise de surproduction capitaliste qui couvait depuis des années et qui a été catalysée non seulement par le virus mais aussi par le conflit Russie-OPEP en mars 2020 autour des prix et de l’offre du pétrole qui s’est soldé par une chute du prix du baril. Les chutes boursières ont été plus graves que celles de 2008 en France et il faut s’attendre à des conséquences très lourdes. La contraction du taux de profit et l’amoindrissement des profits des investissements que le capital monopoliste français a réalisés partout dans le monde, ainsi que l’incapacité de tenir le rythme d’investissements nécessaires à maintenir sa domination sur les marchés, l’amèneront à intensifier ses politiques agressives, voire changer de stratégie dans le domaine de la diplomatie, des politiques protectionnistes, des guerres commerciales, de conservation des marchés, des déploiements militaires et enfin des guerres impérialistes localisées ou généralisées pour gagner avec les armes ce qu’ils n’ont pas pu gagner avec la fameuse « libre concurrence ».

Les conséquences viendront aussi sous forme de lutte de classes. La bourgeoisie tentera d’implanter son programme maximum pour sortir de la crise et récupérer ses pertes avec intérêts sur le sang et la sueur du peuple-travailleur et sa jeunesse : on le voit déjà avec la baisse des cotisations sociales promise par le gouvernement afin de contrecarrer les pertes capitalistes, alors que la Sécurité Sociale aura réalisé des dépenses inimaginables après avoir financé l’immense majorité des dépenses liées aux traitements du Covid-19. On le voit également avec la loi d’urgence sanitaire, planifiée, rédigée et approuvée en à peine une semaine. L’objectif est de renforcer les prérogatives du gouvernement en ce qui concerne la législation autour de la gestion de la pandémie, dont la législation du travail, des droits civiques et démocratiques, etc. Les premières mesures visent carrément à casser le code du travail, implanter la journée de 48h, limiter les congés payés, etc. Pour certains secteurs, il est annoncé d’aller jusqu’à 60h de travail hebdomadaires.

Les objectifs maximums de la loi ainsi que la rapidité de sa promulgation sont seulement un aperçu de la guerre de classes extrêmement agressive que le capital monopoliste va développer durant la crise qui vient contre le peuple-travailleur et sa jeunesse. Et si l’ « état d’urgence sanitaire » donne carte blanche au gouvernement des monopoles en ce qui concerne l’adoption autoritaire de ces mesures, le sauve-qui-peut et l’isolation provoqués par l’état de confusion et de crispation actuel ne fera que les rendre socialement plus faciles à adopter. L’objectif du capital monopoliste sera de faire payer la crise à la classe ouvrière, aux auto-entrepreneurs, aux employés, voire aux petits commerçants et artisans en les obligeant à fermer et en avalant leur production et leurs parts de marché. Et nous devons être prêts à tenir son pari, à contrer ses attaques, à développer le mouvement ouvrier et populaire comme seule solution à la débâcle capitaliste à venir.


Pendant la crise sanitaire et dès sa fin nous exigeons que ce soit le capital qui paie !

  • Nous exigeons l’interdiction des licenciements opérés sous prétexte de ralentissement de la croissance !
  • face à la diminution des salaires nous exigeons leur maintien et une hausse pour les travailleurs et travailleuses de la santé publique
  • face à la suppression de cotisations sociales qui enterrerait la Sécu, nous exigeons au contraire leur augmentation afin d’assurer sa viabilité dans toutes ses branches (assurance maladie, retraites, assurance chômage, allocations familiales) ;
  • face à l’endettement usurier des États, nous exigeons la taxation des monopoles capitalistes et du patrimoine des capitalistes pour financer la situation de détresse des auto et micro-entrepreneurs, des petits artisans et commerçants,
  • nous exigeons la réquisition des moyens et du personnel de la santé privée pour désengorger la santé publique
  • et enfin nous exigeons l’annulation des réformes criminelles des retraites et de l’assurance chômage.

Le capitalisme est plus dangereux que le virus ! Les bourgeois nous veulent affamés, malades, exploités, soumis et enfin morts !

Préparons-nous à la lutte !

Miguel