Les jeunes travailleurs choisissent-ils leur destination pour les vacances ? On aurait envie de dire oui, que les vacances pour les jeunes femmes et hommes de la classe ouvrière remplissent leur fonction de déconnexion des périodes de travail ou d’études, d’arrêt du rythme des périodes ouvrées, des longues journées de travail ou d’étude. Que, tout en restant dans la modération, les jeunes pourraient choisir périodiquement de passer quelques jours dans une destination adaptée à leurs goûts, afin de prendre du plaisir et de l’énergie pour recommencer le travail. Mais non. La réalité vécue par nous-mêmes, jeunes travailleurs, nous montre que les vacances sont loin d’être les périodes de repos désirées. Et ça pour plusieurs raisons.
Les statistiques disponibles, quoique souvent officieuses et biaisées par le choix des échantillons, montrent que les vacances sont loin d’être des jours de rêve pour la jeunesse. Selon une enquête du site diplomeo.com, sur 1631 réponses de jeunes entre 15 et 26 ans, 52% des jeunes sondés ne partent pas en vacances. Les raisons sont diverses : 65% ont un job d’été, 48% n’ont pas les moyens, 14% ont un stage ou une alternance, 7% pour achever la rédaction d’un mémoire ou pour réviser, 4% par manque d’envie, 8% pour diverses raisons. On ne saurait faire entièrement confiance aux statistiques bourgeoises (faible échantillon, manque de rigueur scientifique, etc.), pourtant elles soulèvent ici le fait que les questions financières sont en haut de liste.
Vient ensuite le budget : 38% des sondés ont entre 200 et 500 euros de budget, 200 euros pour 22%, 500 à 1000 euros pour 24%, plus de 1000 euros pour 16%. Ce budget est obtenu par les jobs d’été (43% des sondés), des économies (36%), le travail durant l’année (33%), l’aide de la famille (34%). Enfin, concernant la destination : 60% des sondés vont en France, 41% en Europe, 17% sur un autre continent.
On notera selon le sondage que les raisons qui poussent au job d’été sont : le besoin d’économiser (71% des sondés), financer les études (53%), acquérir de l’expérience (46%), financer les vacances (31%). Encore une fois, les raisons économiques sont importantes pour les jeunes.
La question du travail
C’était évident. Les jeunes supportent le taux le plus haut de chômage de toutes les tranches d’âge avec 24 % chez les 15-24 ans. La précarité domine chez les jeunes ayant un emploi. 35 % des jeunes en poste sont sous les diverses formes de travail temporaire (CDD, alternance, intérim) et près de 20 % sont employés à temps partiel, notamment parmi les étudiants. Le résultat : pauvreté, manque de moyens, dépendance, mais aussi enchaînement de contrats sans droit aux vacances en été avec des périodes de chômage et recherche de boulot, situations où le droit à quelques jours de repos n’existe pas. Le travail précaire se reflète aussi dans les horaires, qui privent de leurs week-ends des millions de jeunes dans la restauration, l’hôtellerie, le commerce et d’autres secteurs.
La dépendance que le capitalisme fait subir, y compris aux jeunes ouvriers qui ont un emploi, fait que le seul moyen pour la plupart des jeunes de partir en vacances est avec la famille. Les jeunes qui habitent indépendamment de leurs familles ont donc beaucoup plus de mal à partir. Le coût des hypothétiques vacances s’ajoute à la difficulté d’assumer les dépenses de leur vie indépendante (logement, santé, etc.). Le résultat, pas de vacances ou au mieux quelques jours libres dans la ville qui resteront loin d’une déconnexion du quotidien.
Le coût des transports et de l’hébergement
Un exercice d’imagination : disons un.e jeune précaire parisien.ne qui arrive à la conclusion que partir le samedi faire une promenade à deux dans une jolie petite ville serait une très bonne idée. Il ou elle va sur le site de la SNCF pour prendre des billets pour Montargis (il/elle avait pensé au début y aller en stop, mais il/elle a décidé de s’offrir un luxe) et il voit que la blague lui coûte 50 euros! (prix réel des deux aller-retour Paris-Montargis les moins chers). « Bon chéri.e, dans ce cas on ferait mieux de mater un film ou une série ». Et ce samedi initialement dehors devient encore un samedi à la maison.
Avec un revenu annuel moyen de 7362 euros (613 euros par mois) pour les moins de 25 ans, il est difficile de penser qu’un jeune couple indépendant puisse dépenser 50 euros uniquement dans le déplacement à une destination proche. Tous les jeunes travailleurs et notamment ceux qui habitent indépendamment de leurs familles savent que c’est une dépense difficile à équilibrer dans les budgets mensuels. Après le loyer, les factures d’EDF, l’eau, le chauffage, les forfaits mobiles et internet, les impôts, les courses, les déplacements quotidiens, etc., un jeune couple ne peut pas se permettre très souvent de passer une journée à l’écart de leur vie quotidienne, ce qui reste bien loin des luxes que les bourgeois s’octroient jour après jour. 50 euros représentent quatre ou cinq jours d’alimentation pour un jeune couple, et le besoin du choix amène les jeunes de classe ouvrière à ne pas avoir de coupures avec leur quotidien de travail et/ou études. Tout cela dans le cas d’une excursion d’une journée, donc d’autant plus pour un week-end ou une semaine de vacances, dont les dépenses en hébergement montent à pas moins de 50 euros par jour pour les tarifs les moins chers ! La jeunesse ouvrière est enchaînée à son travail, à la précarité, mais aussi à un quotidien qui parfois devient angoissant. Les jours libres et les rares périodes de congés payés ne sont pas des vraies vacances si les jeunes travailleurs ne peuvent pas dans les faits prendre un repos de leur quotidien d’exploitation.
En conclusion, le capitalisme n’offre aucune alternative aux jeunes ouvriers et ouvrières que celle de vivre enchaînés au travail quotidien et de vivre au jour le jour, sans pouvoir prendre du recul par rapport à leurs vies habituelles. Christophe Castaner, alors porte-parole du gouvernement bourgeois et anti-ouvrier de LREM, déclarait il y a deux mois que « La liberté ce n’est pas de se dire que je vais toucher les allocations chômage pour partir deux ans en vacances ». Ce mépris de la condition ouvrière, ces minables déclarations provenant d’une ordure bourgeoise sont une attaque au quotidien de millions de chômeurs ainsi qu’un renversement du sens des vacances pour les travailleurs et travailleuses. Son propre gouvernement, simple secrétaire d’une bourgeoisie qui lui dicte ordonnance après ordonnance, s’est chargé d’acter la précarité généralisée des jeunes ouvriers et ouvrières, la temporalité du travail et en conséquence l’enchaînement d’emplois sans vrais congés payés avec des périodes de recherche désespérée de travail, l’anarchie des horaires de travail, l’élimination d’aides au logements et à l’embauche. Et les bourgeois qui vivent dans l’insouciance, nous refusent le droit d’avoir des jours de repos et de recul en qualifiant le fait de pouvoir passer quelques jours en dehors de notre quotidien de « luxe » ! Loin de l’opulence dans laquelle les bourgeois et leurs agents vivent, la classe ouvrière ne réclame que ce qui lui revient de droit : la possibilité réelle d’avoir du temps de loisir, qui est très loin du luxe et de la démesure des excès de nos ennemis de classe. La bourgeoisie, dans ce capitalisme qui a besoin d’exploiter de plus en plus intensément la classe ouvrière, ne nous offrira jamais le juste prix en échange de notre travail, loisirs compris. Il ne s’agit pas d’un problème de conjoncture, mais d’une réalité structurellement déterminée : le capitalisme n’a pas de réforme, le seul futur est le socialisme !