Il s’agit d’une série diffusée sur Netflix qui a séduit beaucoup de jeunes, tant par sa qualité scénaristique et son immersion assurée dès les premiers épisodes. La Casa de Papel nous fait suivre une bande de braqueurs qui prennent le contrôle de la Fabrique Nationale de la Monnaie et du Timbre de Madrid afin d’y imprimer des billets. L’objectif est classique : un braquage pour s’enrichir selon ses propres motifs. Des conditions s’imposent toutefois : gagner l’opinion publique en faisant tourner la police en bourrique, ne pas tuer, limiter les blessés et ne pas s’éterniser. Bref, de quoi innover dans le domaine des histoires de braquages.
Lorsqu’on prend la série pour elle-même, nous entrons dans le jeu des réalisateurs qui nous présentent les braqueurs en héros. Nous sommes l’opinion publique qui reconnaît un certain talent de ces braqueurs, capables de prévoir et déjouer la réaction des policiers. Une certaine tension accompagne alors le déroulement de l’histoire, nous faisant presque oublier que l’objectif des braqueurs est leur propre enrichissement.
Parce qu’il ne s’agit pas d’une série qui raconte une banale histoire de braquage, nous devons analyser l’idéologie qui est diffusée. En effet, l’agissement des braqueurs est présenté comme héroïque et subversif. La prise d’assaut de la Fabrique de la Monnaie de Madrid est symbolique et le braquage est selon les braqueurs un acte de résistance. L’utilisation du masque de Salvador Dalì rappelle l’emploi du masque de Guy Fawkes par le groupe Anonymous, aussi considéré un temps comme des résistants contre le monde de la finance et des banques. Le tout est couronné par la musique « Bella ciao », faisant passer ce chant des partisans en chant des brigands.
La série induit donc à la confusion sur une pseudo-subversion qui ne serait en fait qu’un leurre puisqu’elle est au service de l’enrichissement personnel des braqueurs. De même, l’individualisation de cette pseudo-subversion, c’est-à-dire l’idée qu’un individu ou un petit groupe providentiel qui va créer le mouvement et changer les choses (à la manière de V pour Vendetta, même si la forme de la résistance n’est pas la même), s’opère en effaçant l’idée que ce sont les masses qui doivent être les acteurs de la résistance contre l’ordre existant. On pourra aussi noter que, dans leur présentation en héros et résistants, les braqueurs sont à certains moments amnistiés d’actes immondes : c’est le cas d’un des leaders du braquage qui viole une des otages à plusieurs reprises.
Si l’on pose la question « à qui profite cette série ? », nous pouvons constater que l’idéologie réactionnaire diffusée joue son double rôle de diversion. D’une part semer la confusion sur ce qu’est la subversion, avec toute une symbolique à son service ; d’autre part créer un contenu qui séduit une grande partie de la jeunesse pour réaliser un immense chiffre d’affaire. Netflix, leader du streaming payant, c’est 11,7 milliards de dollars de chiffre d’affaire en 2017. Ce même service de diffusion qui contribue à la mort des salles de cinéma et qui appartient à cette lignée de monopoles capitalistes qui s’enrichissent sur le dos de ses travailleuses et travailleurs.
Jim