Nicolás Maduro a été investi jeudi dernier Président de la République Bolivarienne du Venezuela pour le sixtennat 2019-2025 après sa victoire lors des élections du printemps 2018. L’opposition, avec la bourgeoisie vénézuélienne pro-impérialiste à sa tête, divisée et consciente de l’échec de ses tentatives de mobiliser la population, avait renoncé à poser des candidatures et appelé à boycotter l’élection. En même temps, elle faisait recours à l’impérialisme étatsunien et européen (la fameuse « communauté internationale ») pour recueillir les soutiens que la mobilisation populaire lui refuse depuis 1999.
Les successifs échecs de la part de la bourgeoisie commerciale alliée de l’impérialisme américain de récupérer le contrôle des institutions à travers les élections et de construire un large mouvement contre-révolutionnaire dans les émeutes (« guarimbas ») de 2014 et 2017 a conduit l’impérialisme à changer de stratégie. L’impossibilité de retourner le pays vers le chemin de l’exploitation et la soumission impérialistes a ouvert la voie depuis déjà deux ans à une stratégie prônant l’intervention militaire étrangère et la pression internationale asphyxiante pas seulement au Président Maduro mais à tout le mouvement révolutionnaire vénézuélien.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les larges manoeuvres militaires au large de la frontière entre le Brésil et le Venezuela auquelles ont pris part les armées de Colombie, Pérou, Brésil et des États-Unis, l’adhésion de la Colombie à l’OTAN en 2018 (premier pays non occidental à en faire partie) ou l’importance stratégique de la victoire de Bolsonaro au Brésil. Les alliances militaires sur lesquelles reposera une future intervention militaire sont posées, ainsi que la base de légitimité diplomatique (à la sauce impérialiste) des institutions d’État qui devraient remplacer celles du gouvernement bolivarien actuel après l’intervention impérialiste.
Immédiatement après l’investiture de Maduro, cette semaine l’illégitime Assemblée Nationale vénézuélienne, sans aucun pouvoir institutionnel depuis 2017, a proclamé son président Juan Guaidó « président légitime » de la République et appelle « le peuple, l’armée et la communauté internationale » à porter les autorités impérialistes de l’Assemblée Nationale déchue au pouvoir au Venezuela. L’Organisation des États Américains (OEA), cheval de Troie de la bourgeoisie impérialiste étatsunienne en Amérique du Sud et Centrale depuis sa création en 1948, a reconnu immédiatement l’Assemblée Nationale comme l’institution légitime de l’État Vénézuélien et Guaidó comme le Président légitime du Venezuela. Les forces impérialistes les plus fanatiques du continent, la Colombie, le Brésil, l’Argentine, l’Équateur, le Chili, les États-Unis ou le Canada parmi d’autres ont soutenu la déclaration de l’OEA déclarant illégitime le mandat de Maduro. La Bolivie, le Nicaragua, le Venezuela et des États des Caraïbes comptent parmi les six États à se déclarer contre cette intervention diplomatique.
De son côté le gouvernement vénézuélien, débordé, tourne en rond, essayant depuis des années à étouffer l’incendie qui se prépare dans l’intérieur même du pays. Immergé dans ses propres contradictions de classe, entre une bureaucratie pétrolière qui réclame pour elle « ses » parts des profits de l’exploitation pétrolière fermant les yeux face à la misère du peuple et une mobilisation populaire qui dépasse de plus en plus par la gauche les positions du parti de gouvernement. La mobilisation du peuple laborieux en lutte, organisé dans de collectifs très divers, est utilisée de façon opportuniste dans l’intérêt des classes intermédiaires (notamment des bureaucraties militaires et pétrolières qui tirent un profit des exportations de pétrole), ce qui amène à la progressive perte de confiance des masses vis à vis du processus tant que celui-ci soit dominé par des courants contre-révolutionnaires. La pénurie des produits les plus basiques, qui dure déjà des années et qui noie dans la pauvreté extrême même les travailleurs salariés, n’a pas pu être contrée par un gouvernement dont la stratégie consiste à appliquer des pansements capitalistes à la crise capitaliste. Le gouvernement mise maintenant sur le changement de partenaires commerciaux, changeant la soumission à l’impérialisme étatsunien par la soumission aux monopoles chinois et russes. Preuve de ceci, le gouvernement vénézuélien accepte depuis fin 2017 le yuan et le rouble comme devise pour l’exportation du pétrole, tandis que précédemment juste le dollar était accepté.
Le parti pris conservateur du parti du gouvernement en faveur des bureaucraties militaires et pétrolières se manifeste dans le mouvement syndical et paysan, de plus en plus fort face aux agressions anti-ouvrières de l’État bourgeois vénézuélien, et dans la mobilisation permanente du Parti Communiste du Venezuela pour faire avancer le mouvement vers l’avant. Le grand risque de la part du mouvement révolutionnaire est de rester coincé dans la dynamique imposée par le gouvernement du PSUV, tombant dans la dé-mobilisation et détruisant la mobilisation populaire qui a été le seul garant solide des positions anti-impérialistes et démocratiques que les successifs gouvernements ont pratiqué depuis la première victoire de Hugo Chávez en 1999. Nos camarades du Parti Communiste du Venezuela et de la Jeunesse Communiste du Venezuela ont très bien compris la situation : le tournant conservateur du PSUV amène au défaitisme et à la disparition de la mobilisation populaire. Maintenir en vie cette mobilisation, concentrer sa composition organique sur la classe ouvrière organisée en alliance avec la paysannerie pauvre lésée par les monopoles agroalimentaires, lui donner des nouveaux objectifs, la faire avancer vers la révolution prolétarienne est la clé de la survie de l’État vénézuélien indépendant de tout impérialisme et du processus révolutionnaire lui même.
Après les « douces » années de victoires successives de la gauche anti-impérialiste dans le continent sud-américain, l’impérialisme est de retour et réalise sa contre-offensive. Les gouvernements souverainistes de gauche dans tout le continent ont eu le soutien des communistes du monde entier dans leur contenu de réalisation des objectifs démocratiques nécessaires face à la domination incontestée de l’impérialisme américain sur les institutions politiques et les ressources naturelles depuis le 19ème siècle. Dans la plupart des cas ces gouvernements social-démocrates, non appuyés directement sur les luttes populaires mais juste sur l’étiquette politique des institutions de l’État bourgeois, ont été dégagés par une bourgeoisie impérialiste dont la spécialité est la conspiration et le jeu d’arrangements pour la domination bureaucratique, militaire et institutionnelle des peuples.
Si la révolution démocratique persiste au Venezuela et pas ailleurs (sauf dans le cas d’une Bolivie qui a vendu des masses d’emplacements miniers aux monopoles chinois) c’est parce qu’elle s’est appuyée sur une large mobilisation de masses inédite dans le continent. Mais le risque est clair que cette mobilisation succombe à la stagnation produite par les positions officielles conservatrices du PSUV, qui sous une rhétorique révolutionnaire et socialiste pérennise les relations de production capitalistes. Et alors, avec un soutien interne gravement affaibli, l’heure sera venue d’une intervention impérialiste à grande échelle avec le risque d’une intervention militaire qui rende le pays à l’impérialisme tout en faisant une purge des éléments révolutionnaires qui demeurent. On connaît bien l’histoire.
L’heure est grave au Venezuela, et les communistes du monde ont le devoir de s’informer de la situation et de soutenir le mouvement révolutionnaire, de dénoncer les positions conservatrices qui risquent de finir avec le mouvement et de soutenir ouvertement les positions révolutionnaires prolétariennes portées par le Parti Communiste du Venezuela, seule garantie de victoire du socialisme sur l’impérialisme !