Le parcours étonnant du tueur de Valence

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Lieu de l’arrestation de l’individu, arrêté après que sa voiture (en rouge), ait été percutée par une voiture de police

Hier matin un homme dans la quarantaine s’introduisait dans l’agence Pôle Emploi de Valence. En approchant du comptoir, sans un mot, il sortait une arme et tirait à sang froid sur la conseillère de 53 ans qui s’apprêtait à le recevoir, l’atteignant mortellement au thorax. Puis, il est sorti du bâtiment et à la hâte il a pris sa voiture et a roulé en direction de la boîte où il avait travaillé jusqu’à son licenciement. Même mode d’action : il entre précipitamment dans les installations, accède au bureau des ressources humaines, décharge son arme une deuxième fois, celle-ci contre la cheffe du service, qui décède également. Entretemps, la police nationale a été informée des faits, et dès la sortie du meurtrier des locaux de l’entreprise s’enclenche une course-poursuite en voiture. Quelques minutes après, une voiture de police heurte presque en face la voiture de l’homme qui, immobilisé, est de suite arrêté et mis en garde-à-vue. Plus tard dans la soirée on a appris que le massacre de Valence est probablement lié à un troisième assassinat et une tentative d’homicide dans le Haut-Rhin, les victimes étant cette fois des cadres d’un service RH qui avait géré la restructuration de l’entreprise où travaillait le suspect.

Les représentants de la bourgeoisie, médias et personnalités politiques de droite et de gauche dans le lot, s’empressent de donner leurs condoléances à Pôle Emploi et à l’entreprise, frappés par le tragédie. L’homme est souvent décrit comme un déséquilibré amateur des armes à feu, un énième dérangé solitaire qui couvrait son mal-être avec l’ultraviolence. Des mesures sécuritaires sont avancées par le gouvernement à commencer la fermeture de toutes les agences Pôle Emploi aujourd’hui, pour contenir « la haine ».

C’est la stratégie de communication du pouvoir politique et idéologique des monopoles, bien connue, de l’arbre qui cache la forêt. Une fixation et un jugement exclusivement moraux d’un fait affreux, ignoble, qui empêche une réelle réflexion sur les vraies conditions qui y ont amené en sommant tout interlocuteur de mesurer le drame avec l’étalon qu’on lui tend sous peine de se voir accuser de complaisance avec l’horreur. Pourtant, sous réserve de l’avancement  de l’enquête de police, ces quelques lignes ont suffi pour voir s’insinuer un lien fort du massacre avec les rouages de l’exploitation et l’accumulation capitalistes. Les cibles : deux services qui licencient, un troisième qui potentiellement refuse le revenu de remplacement, le tout sous la pression de la classe capitaliste.

Dans la crise capitaliste en cours, des centaines de milliers de personnes perdent leur emploi et des millions craignent pour leur survie. Les monopoles capitalistes s’engraissent d’une main des centaines de milliards d’aides publiques et de profits issus de l’exploitation et de l’autre main ils refusent aux travailleurs et travailleuses privés d’emploi et précaires les miettes qui leur permettraient de survivre à travers de subtiles, ou pas si subtiles, réformes de l’assurance-chômage, des retraites, de la contractualisation du RSA, des centaines de milliards d’euros pour les actionnaires, etc. Il est plus clair que jamais qu’en régime capitaliste il n’y a rien de pire que l’exploitation capitaliste pour le peuple laborieux que l’absence d’exploitation, qui reste exploitation quand même. Ceux qui fréquentons, en tant que militants, employés ou en tant qu’inscrits, les agences Pôle Emploi, sommes conscients des nombreux cas de travailleurs et travailleuses privés d’emploi qui arrivent aux agences en colère ou en sanglots, désespérés car on leur refuse un minimum vital pour nourrir leurs familles et les maintenir abritées de la pluie et du froid. La détresse matérielle de la classe ouvrière se double d’une détresse émotionnelle insupportable. Il ne faut pas attendre du capitalisme les conditions pour qu’aucune des deux s’estompe.

Les capitalistes veulent faire passer les effets concrets de la crispation, la détresse et la misère à laquelle ils condamnent des couches de plus en plus larges du peuple par « de la haine ». La pression devient insupportable, et le peuple exploité n’en peut plus. Les nombreuses tentatives de suicide parmi les étudiants d’extraction populaire les derniers mois ont plus à voir avec le drame d’hier que la haine ou les licences de port d’armes que l’idéologie bourgeoise met en avant.

La veille de la tuerie le DARES du Ministère du Travail annonçait une hausse de 7,5% des inscrits Pôle Emploi dans la catégorie A. Vouloir cacher le lien avec l’affreuse journée d’hier à Valence relève de la bassesse morale réservée à une classe sociale qui domine un système économique et politique pourrissant.

Nous transmettons nos condoléances aux travailleurs et travailleuses collègues des trois personnes assassinées, ainsi qu’à leurs familles et proches. Le capitalisme et ses représentants sont coupables.

Miguel