Affaire Twitch : l’importance croissante du numérique et son rôle sous le capitalisme

Cette nouvelle n’a pas échappé aux geeks et aux gamers. Le 5 août dernier, la plateforme de streaming Twitch a annoncé l’ajustement du prix des « subs » – abonnement payant à la chaine d’un créateur – partout dans le monde et selon le pays. Ainsi en France, ils passent de 4,99 par mois à 3,99 . Ayant annoncé sa volonté de réforme en mai, l’idée de la plateforme est de permettre aux abonnés de s’abonner aux « créateurs » de leur choix, sans être un investissement financier trop important. Finalement au lieu d’avoir un prix unique d’abonnement pour tout le monde, qui était de 4,99 dollars et converti dans les devises respectives de chaque pays, une tarification locale est instaurée pour chaque pays. Ce qui fait que les prix des abonnements vont donc baisser dans beaucoup d’endroits, avec une baisse qui peut être bien plus importante dans d’autres pays comme à Taïwan où le prix baisse de 48 % où en Thaïlande de 57 %. Les revenus des streameurs vont en être les premiers affectés d’autant plus que Twitch récupère 50 % de la somme versée pour un abonnement quel que soit le prix. Ces derniers devront effectuer un nombre d’heures indiqué sur leur tableau de bord avant la fin du mois pour recevoir une certaine somme d’argent. En se connectant à leurs comptes, les streameurs français ont donc dû faire face à une très mauvaise surprise.

Ces faits font remarquer des parallèles avec d’autres réseaux sociaux comme YouTube ou TikTok avec les plateformes de livraison comme Deliveroo ou Uber Eats. Le business model de YouTube se fonde essentiellement sur la publicité. Les créateurs sont rémunérés par la plateforme via la publicité placée avant la video. Néanmoins les créateurs peuvent également gagner de l’argent soit par l’adhésion de ceux-ci au Programme Partenaires YouTube leur permettant de bénéficier d’une partie des revenus publicitaires ou soit par YouTube Premium, son service d’abonnement mensuel qui rémunère les créateurs selon la durée de visionnage enregistrée pour leurs contenus. Le business model de TikTok se fonde sur des achats de sa devise virtuelle – 1,09les 100 pièces – par les utilisateurs pour que ces derniers rémunèrent les créateurs de leurs choix. Cela a permis à TikTok de se réaliser 35 milliards de dollars de ventes en 2020. Un troublant parallèle peut être fait avec les livreurs Deliveroo ou Uber Eats car ces derniers, tout comme les créateurs de contenu sur YouTube ou sur TikTok ou Twitch, sont des auto-entrepreneurs. Bien que faisant partie de la petite-bourgeoisie, ces 2 couches évoluent très différemment. Alors que les livreurs à vélo se rapprochent toujours plus du prolétariat par leurs conditions de travail et leur évolution vers les luttes collectives, la condition petite-bourgeoise des « youtubeurs » et des « twitcheurs » se maintient car ils sont toujours plus perméables à l’idée d’accroissement de leurs revenus et donc profitent du capitalisme même si l’évolution de ce dernier les pressure toujours plus. De plus l’émergence des technologies informatiques depuis la fin du 20ème siècle a fait des données ce que des commentateurs qualifient d’ « or noir du 21ème siècle. » Des actions aussi banales qu’envoyer un mail, commander sur internet ou interagir sur les réseaux sociaux laissent des traces souvent à notre insu. Elles sont collectées pour ensuite être revendus aux entreprises. Un exemple est l’entreprise de prêt-à-porter Zara « qui a pris le virage de la donnée, par la collecte de réponses instantanées pour évaluer ses nouvelles lignes de produits et ses stratégies marketing [utilisant] ces données pour éclairer la prise de décisions futures concernant les stocks et une stratégie commerciale plus large » indique Cécile Bothorel, maître de conférences en informatique à IMT Atlantique. Le business model parmi les entreprises les plus riches comme Google, Amazon ou encore Alibaba et Facebook se base sur la donnée. Ils les collectent pour ensuite les revendre à d’autres entreprises.

Ainsi loin de remettre en cause les rapports de production capitalistes en vigueur depuis la fin du 18ème siècle, l’évolution des technologies informatiques et d’Internet les confirme voire les accentue avec l’évolution de la crise générale du mode de production capitaliste. Ainsi si Internet et les technologies informatiques ont fait émerger des classes petite-bourgeoises, certaines se penchent vers le prolétariat tandis que d’autres maintiennent leur position même si ils sont toujours plus pressurés par le capitalisme. Également cela traduit la marchandisation croissante de la culture et son accentuation. De plus les monopoles capitalistes cherchant à toujours plus accroitre leurs profits, l’utilisation des données numériques pour la publicité et l’élaboration de stratégies marketing est devenue incontournable et le devient plus encore à mesure que s’accentue la crise générale du capitalisme et la baisse tendancielle des profits. Le prix de la donnée risque d’augmenter et son recours devenir toujours plus indispensable, menaçant alors toujours plus la vie privée des travailleurs. Dans une société débarrassée du capitalisme, de l’exploitation de l’homme par l’homme et dans laquelle les moyens de production et d’échange appartiendront à tous les travailleurs et seront gérés selon une planification centralisée et démocratique, le socialisme-communisme, l’utilisation des données à des fins publicitaires n’aura plus de raison d’être et la culture de qualité sera diffusée gratuitement pour tous via les technologies et Internet.

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