« Oh, sa mère ! » s’écrie, dans une publicité Winamax, un jeune de quartier défavorisé après avoir gagné un pari sportif, avant d’être porté en héros devant ses voisins de quartier se prosternant devant lui1. Tout le monde, lui le premier, le sait : grâce à son « gros gain » permis par les « grosses cotes » promises par Winamax, ce jeune vient d’échapper, au moins temporairement, à une misère sûre dépeinte sans complexe dans cette publicité, et mérite désormais un « gros respect ». En moins d’une minute et demi, cette publicité parvient à représenter toute la perversité derrière les paris sportifs et les jeux de hasard en général.
Elle nous rappelle d’abord comment les capitalistes profitent de la misère qu’ils créent eux-mêmes par l’exploitation et l’oppression qu’ils nous infligent : si vous voulez sortir de votre misère et mettre un terme à votre pauvreté, les paris sportifs et les jeux de hasard sont « votre meilleure chance de devenir millionnaire »2 et probablement le seul moyen qu’il vous reste de « mettre la daronne à l’abri »3. Et tandis que quelques-uns vont effectivement gagner assez pour espérer améliorer leurs conditions de vie voire devenir millionnaires, l’immense majorité des parieurs et des joueurs va risquer de s’enfoncer encore plus dans la pauvreté et la précarité. Mais c’est bien sûr cette maigre possibilité de gagner qui est mise en avant, et les paris sportifs et autres jeux de hasard sont alors perçus comme un moyen d’échapper à sa misère là où le travail aliéné et aliénant ne nous permet plus de subvenir à nos besoins. Cependant, les paris sportifs et les jeux de hasard sont pensés et conçus pour nous faire perdre, les plate-formes de paris sportifs n’hésitent pas à brider les gagnants tout en incitant les perdants à parier toujours plus4. Ceux qui en profitent le plus sont donc surtout et avant tout les entreprises qui en sont à l’origine comme, justement, Winamax, dont les diverses publicités ciblent généralement les couches populaires et dont le chiffre d’affaires s’élevait à 280 millions d’euros en 2019, soit autant d’argent perdu par les parieurs et les joueurs.
Cette publicité nous rappelle également comment l’argent, dans un système capitaliste, est l’indicateur principal de la valeur sociale d’une personne. Ce ne sont ainsi pas les qualités d’une personne, ses contributions, ses volontés ou encore ses actes qui sont pris en compte, mais ses revenus, son compte en banque et ses possessions matérielles. C’est alors que seul un « gros gain » mène au « gros respect », que seuls ceux qui acquièrent une quantité importante d’argent sont érigés en héros, peu importe d’où provient ce gain, peu importe comment cet argent a été acquis. Les paris sportifs et les jeux de hasard sont ainsi avancés comme un moyen d’acquérir cet argent et ce respect grâce à la chance là où contribuer utilement à la société ne le permet pas.
Derrière les paris sportifs se reflète ainsi l’idéologie bourgeoise. Les paris sportifs nous rappellent comment la bourgeoisie cherche constamment à s’enrichir à notre détriment : non seulement elle répand la misère au sein des travailleurs et des travailleuses, mais elle trouve également des moyens de profiter de cette même misère. Ils nous rappellent en outre comment, sous le capitalisme, « l’argent est roi » et, en corollaire, comment seuls ceux qui possèdent l’argent sont rois, tandis que sont dépréciés et dénigrés ceux et celles qui produisent concrètement les richesses mais en sont privés via l’exploitation de leur travail par cette même bourgeoisie.
1. Voir la vidéo “Publicité jeux et paris sportifs en ligne Winamax”, publiée par Archipub sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=7wKmlYtxIxk
2. Slogan d’un jeu de hasard Illiko par la Française des jeux.
3. Expression utilisée dans certaines publicités de Winamax.
4. Julien Lecot, “Paris sportifs : comment les opérateurs bloquent les joueurs gagnants” sur liberation.fr, 2 juillet 2021 : https://www.liberation.fr/societe/paris-sportifs-comment-les-operateurs-bloquent-les-joueurs-gagnants-20210702_JXZMB4C2NNA4JP72GJHDXZQXTU/