Les élections européennes et leurs conséquences : quel barrage construire ? — Communiqué concernant la victoire du RN aux élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale

Le « barrage à l’extrême droite », mort d’ordre fatigué allant de la social-démocratie française jusqu’aux partis bourgeois les plus réactionnaires connait aujourd’hui un second souffle suite aux résultats des élections européennes : à ce jour, le Rassemblement national affiche 31,4 %, largement devant la liste Besoin d’Europe du gouvernement Macron-Attal avec 14,6 %, Réveiller l’Europe à 13,8 %, et La France Insoumise à 9,9 %.

Ainsi, de la France Insoumise jusqu’au Parti socialiste, il faudrait dès maintenant mettre les différences de côté, faire « union » contre « l’extrême droite » étant le pire des risques pour une « démocratie » en danger.

Mais le fait est que toutes les listes qui seront avancées ne seront que des choix dans la gouvernance de l’État français et non des alternatives à l’État français lui-même dans tous ses appareils médiatiques, répressifs et idéologiques. Que voulons nous dire par là et quelles leçons en tirer ?

Macron tend-il une perche à l’extrême droite ?

Dès l’annonce des résultats, Jordan Bardella s’est empressé de demander une dissolution de l’Assemblée nationale afin de faire droit à la nouvelle majorité élue aux élections européennes. Chose demandée chose faite, la dissolution fut officiellement actée le soir même dans une allocution télévisée.

Prise de risque inconsidérée menaçant de donner au RN une majorité ? Décision narcissique de tout jouer sur un coup de poker pour regagner un poids parlementaire ? Au-delà des paroles et des couleurs, il faut voir et admettre les faits : le RN et le bloc parlementaire présidentiel partagent nombre de points communs, démentant la dichotomie idéologique que tentent d’imposer des organisations de tous bords. Qui a organisé la répression sanglante des gilets jaunes ? Qui a organisé une même répression suite à l’assassinat de Nahel par la police ? Qui a organisé l’opération Wuambushu, demande aux travailleuses de relever le taux de natalité, fait voter la loi sécurité globale, la loi immigration, ou envoie la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, en Palestine occupée soutenir un génocide ?

La bourgeoisie et les monopoles français ne réfléchissent pas en termes de votes ou de gouvernement, ayant une assez haute conscience de classe pour ne pas le faire, mais ne réfléchissent qu’en termes d’État : qui sera le plus efficace à ce poste, ce ministère, pour ce contrat, ou pour cette guerre. Le bloc Renaissance le montre de lui-même : les ex-Républicains comme Rachida Dati côtoient d’anciens membres de l’Action française comme Gérald Darmanin, Macron étant lui-même passé par l’exercice d’État sous le Parti socialiste avant de devenir candidat préféré des monopoles sous une nouvelle couleur.

La dissolution de l’Assemblée nationale n’est donc pas à prendre comme un acte isolé ne relevant que de partis gouvernementaux et de leurs électeurs, mais partie intégrante du processus de fascisation de long cours de tout l’État français à tous ses niveaux, sous direction des monopoles français en période de crise de l’impérialisme mondial. Le résultat en sera bien plus la création de nouvelles alliances, de nouvelles répartitions de postes d’État afin de recomposer tout une bureaucratie au service de l’impérialisme français.

Le barrage Renaissance est une option déjà morte, lorsqu’au-delà des paroles les faits nous montrent un processus de fascisation englobant Renaissance, Les Républicains, le Rassemblement national et Reconquête.

En outre les classes dominantes n’ont que faire du vote si ce n’est comme indicateur du consentement de la population et comme moyen de légitimer les cadres d’État en donnant une image de choix et de liberté : tous les cadres politiques élus sont d’abord des cadres de l’État avant d’être des cadres de différents partis.

« L’union des gauches » est-elle souhaitable ?

L’autre demande de faire barrage provient du camp social-démocrate, dont l’union jugée nécessaire de « la gauche » est devenue un leitmotiv obsédant depuis la tentative de la Nupes et son échec. Mais y a-t-il une « gauche » ?

Europe Écologie Les Verts sont-ils de gauche lorsqu’ils demandent un soutien financier accru à l’effort militaire dans la guerre inter-impérialiste en Ukraine ? Le Parti socialiste est-t-il de gauche avec une tête de liste ayant soutenu le massacre de la Lybie pour ses réserves pétrolières, ayant fait partie des chantres de la Loi Travail ayant provoqué des mobilisations massives en 2016 ? Le Parti Communiste Français, qui n’a atteint que 2,5% des votes, est-t-il de gauche lorsqu’il se revendique d’une « gauche du travail » qu’il met en opposition à une « gauche des allocs » ?

Non, au-delà des couleurs, les faits parlent encore d’eux-mêmes : l’écrasante majorité de partis présentés comme de gauche ne sont que l’aile gauche du capital français, passés par les appareils de son État et le connaissant, prêts à toutes couleurs parlementaires pour se maintenir en place.

Reste à certains égards la France insoumise, devenue la seule réelle force social-démocrate en place et captant par là des couches sociales écœurées et révoltées de la crise que nous traversons.

Ici, ce sont les faits passés qui doivent nous éclairer stratégiquement et tactiquement, en laissant le bénéfice de l’honnêteté politique à des cadres de cette formation tout comme à ses électeurs : Syriza, formation grecque du même type, a-t-elle pu résoudre la crise financière de 2008 ayant plongé la Grèce dans des luttes de classe aigües ? Non, elle s’est même inclinée sous les menaces de la Banque Centrale Européenne en bafouant un référendum qu’elle avait d’elle-même mis en place et dont le résultat était un vote massif contre les mesures de l’UE.

Podemos, formation espagnole du même type, a-t-elle pu s’opposer à la militarisation de l’Union européenne ? Non, son soutien aux crédits de guerre ukrainiens reste implacable, soutenant la guerre inter-impérialiste et aggravant les conditions de vie des travailleuses et travailleurs espagnols et européens.

Si il ne s’agit que de deux exemples, et de deux des échecs de ce type de partis politiques, ils nous enseignent la même leçon : un gouvernement n’est pas le pouvoir en soi, un gouvernement consiste en un groupe d‘individus au sein d’un appareil d’État qui n’est pas fait pour nous, qui n’est fait que pour les classes l’ayant bâti.

Manon Aubry connait-elle par exemple le système d’écoute de l’Assemblée nationale et comment l’éviter ? Louis Boyard connait-il les réseaux de discussions, d’informations, et de décisions de cabinets comme McKinsey afin de contrer les offensives économiques contre notre classe ? Éric Coquerel connait-il les réunions d’Alliance, syndicat policier raciste, ainsi que les préfectures et commissariats de France où s’organise quotidiennement le processus concret de fascisation ?

La meilleure des volontés et un programme réformiste ne sont jamais passés et ne pourront jamais passer sous l’État capitaliste : matériellement, l’appareil d’État dépasse de très loin les sièges parlementaires et donc tout gouvernement possible.

L’union des gauches est une option tout aussi morte, tout comme le vote France Insoumise, nous emmenant une fois de plus vers un mur que l’État maintiendra dans tous les cas face aux aspirations populaires.

Le barrage à construire : ce que dit l’absention.

Loin de tout mot d’ordre électoral, nous notons une abstention autour de 48,5 %, qui provient d’ailleurs en grande part de quartiers populaires : 56,7 % en Seine-Saint-Denis, sans parler des « territoires d’outre-mer » comme le résultat de 86,8% en Guadeloupe ou 87,7% en Martinique. La réalité est donc à renverser : depuis une perspective réformiste, il faudrait en appeler au vote, depuis notre perspective, révolutionnaire et prolétarienne, il faudra au contraire prendre exemple de ces larges couches sociales dont le lieu d’habitat dit long des origines de classe. Non, l’Union européenne et les futures élections législatives ne servent pas nos intérêts, et l’absention montre qu’une grande partie des travailleuses et travailleurs le savent, en ont pris acte, et donc ne votent tout simplement pas.

Le véritable barrage n’est pas « l’union des gauches », ni un « barrage à l’extrême droite » et encore moins un énième « front populaire », le véritable barrage n’est ni électoral ni même en fonction des élections. Le véritable barrage se construit lentement, avec patience, par des structures de luttes allant notamment vers ces travailleurs et travailleuses qui n’attendent plus rien dans les paroles mais qui attendent tout dans les faits.

C’est là ce que proposent le Parti Communiste Révolutionnaire de France et l’Union de la Jeunesse Communiste : défendre, développer, consolider toutes les formes de démocratie directe à la base, au plus près de nos lieux d’études, de nos entreprises, de nos quartiers, par des comités de lutte ou des cellules communistes d’entreprise, partir des aspirations démocratiques pour la défense de nos intérêts de classe autour du renforcement de notre Parti, renforcement par notre propre expérience de la démocratie ne se réduisant jamais à déposer un papier dans une urne.

Dans les conditions présentes de fascisation de l’État, la lutte pour la consolidation et l’acquis des droits démocratiques favorise le développement de la lutte de classes dans les faits, donne confiance aux travailleuses et travailleurs en leurs propres forces, lève également les illusions probables sur les causes de nos souffrances en rappelant par le concret que seuls nous-mêmes pourrons nous sauver.

Le seul barrage à construire, c’est celui contre le capitalisme et son État !

Pas une voix aux candidats du capitalisme ni de son aménagement !

Contre la fascisation : organise ta colère, rejoins l’UJC !