Une des grandes réussites du capitalisme est d’avoir englobé des luttes justes et de nous avoir noyé dans des interprétations bourgeoises de la nature de ces inégalités derrière ces luttes. Cela concerne le racisme et la xénophobie, l’inégalité hommes-femmes, l’homophobie et même la question écologique.
Ces questions sont interprétées de la manière bourgeoise comme une simple attitude, un état d’esprit, une conduite individuelle. Le racisme serait par exemple dans notre tête et ce serait donc dans notre tête que la lutte anti-raciste se mène. Tout est une question de comportements, de préjugés et/ou de stéréotypes. La solution passerait ainsi par un travail de rééducation intérieure. Les conditions matérielles sont ignorées avec l’objectif d’invisibiliser les causes structurelles et de classe de ces phénomènes.
L’ineptie de « racisme anti-blanc » appartient à ce courant et l’applique d’une manière extrêmement réactionnaire. C’est l’argument démagogique et faux par excellence, sur lequel les fascistes pleurnichent et se victimisent dès qu’ils voient qu’un non-blanc fait/dit quelque chose qui nuit à un blanc. Encore une fois, les racines structurelles du racisme sont ignorées et remplacées par les seuls épiphénomènes des points de vue, des manières individuelles de penser et d’agir. Il va de soi que c’est ridicule de qualifier des conduites ponctuelles et hyper médiatisées sur les réseaux sociaux comme actes de racisme. Le racisme est enraciné dans le clivage de classes, qui lui sert de structure sur laquelle viennent se poser les discriminations de « race ». Le « racisme anti-blanc » est un concept qui ne rend compte d’aucune réalité systématique et structurelle. Sa seule utilité est d’exprimer idéologiquement des positions ultra-réactionnaires véhiculant ainsi les aspirations racistes de la bourgeoisie.
Le courant anticolonialiste d’« extrême gauche » de sa part et la gauche postmoderne en général ignorent aussi, et à leur manière, les conditions matérielles qui sont la cause réelle du racisme. En ignorant les classes sociales, la version des faits de certains courants s’appuie sur une expoliation des « non-blancs » par les « blancs » lors des colonisations impérialistes. Cette version serait même compatible avec la notion de « racisme anti-blanc » qu’elle pourrait admettre avec condescendance vis-à-vis des travailleurs « non-blancs » pour même la justifier sur la base de ce prétendu saccage d’une « race » contre l’autre. Les blancs doivent donc assumer leur passé colonialiste commun et ses conséquences, renoncer à leur privilèges historiques en tant que « race » et surtout ne pas se mêler de l’action « émancipatrice » des non-blancs contre l’oppression blanche. Le PIR (Parti Indigène de la République) est un bon exemple du caractère réactionnaire de cette position. Le capitalisme n’est jamais en cause et s’il l’est, ce n’est pas fait de façon conséquente, jamais comme une structure d’oppression et exploitation systématique de l’ensemble de la classe ouvrière.
Dans tous les cas, le caractère dialectique du phénomène et l’ancrage dans la réalité matérielle se perd, tant en ce qui touche l’analyse du passé que ce qui touche le présent. Les atrocités des colonies n’étaient pas menées par les « blancs » mais par les classes dominantes en métropole : royauté et cour royale (commerçants aussi, surtout pour l’Angleterre et les Pays-Bas) pour les premiers empires, bourgeoisie pour les seconds et pour les présents. L’interprétation raciale de ces faits de classe cache le fait que la colonisation a été menée par les classes sociales historiquement dominantes, les mêmes qui ont accaparé les ressources et les produits de l’exploitation de la main-d’œuvre esclave dans les colonies. Blanches ou non blanches, les classes historiquement exploitées n’ont jamais tiré aucun profit de leur condition raciale dans l’impérialisme. Essayer de culpabiliser l’ensemble des habitants de la métropole des atrocités capitalistes c’est épargner le capitalisme et la bourgeoisie de leur culpabilité dans ces faits historiques, ainsi que dans les saccages et atrocités impérialistes que la bourgeoisie réalise aujourd’hui plus que jamais contre les peuples sous la botte de l’impérialisme. Penser que le racisme est incarné en priorité par l’ouvrier réactionnaire au chômage, stéréotype du votant Front National, plutôt que par l’ensemble des patrons qui ont d’abord pratiqué l’esclavagisme dans les colonies et qui refusent aujourd’hui le CV des descendants d’esclaves est un point de vue regrettable. Ces mêmes patrons qui embaucheront proportionnellement plus de non-blancs au noir et des femmes à temps partiel. Les mêmes (les seuls!) qui tireront des profits économiques astronomiques sur ces discriminations.
Nier le rôle structurel du capitalisme, et la culpabilité de classe de la bourgeoisie c’est aussi cacher la seule solution au problème. Solution qui ne passe pas par la renonciation à des faux privilèges, qui seraient octroyés automatiquement aux blancs, indépendamment de leur condition individuelle. Ni par l’auto-discipline culpabilisante d’atrocités desquelles la classe ouvrière de toutes les « races » et origines n’a aucune responsabilité. Solution qui, étant structurelle, passe donc par l’intervention politique au niveau de la structure économique capitaliste.
Actuellement on ne peut pas séparer les discriminations de « race », mais aussi de sexe et orientation sexuelle des clivages de classe. Autant il est absurde d’affirmer qu’un blanc qui se fait braquer par un non-blanc en galère est braqué parce que le braqueur était raciste anti-blanc, il est de même absurde de penser que les non-blancs subissent du racisme par caprice historique, juste à cause de leur couleur de peau. Car un « mâle cis » de la classe ouvrière qui survit avec le RSA sera la cible des discriminations et des insultes de la part de la bourgeoisie, et subira les privations matérielles que sa condition de classe lui impose, en plus de leurs conséquences psychologiques et morales. De l’autre côté, une non-blanche lesbienne propriétaire d’une entreprise dans le secteur informatique à Silicon Valley n’aura pas à s’inquiéter des discriminations et des privations des ouvriers de même origine, sexe et orientation sexuelle dans les quartiers populaires. Pire encore, elle sera peut-être portée par la bourgeoisie comme un exemple de réussite et de dépassement individuel. Tandis que le travailleur ou la travailleuse qui lui sert ses cafés label « commerce équitable » galère tous les mois à payer son logement et à nourrir ses enfants indépendamment de la couleur de sa peau ou de ses origines.
Le fait, incontestable, que des travailleurs et travailleuses subissent des discriminations plus ou moins aiguës en fonction de leurs origines, leur sexe ou leur orientation sexuelle ne doit pas nous faire oublier que ces discriminations disparaissent, voire deviennent des avantages dans ce capitalisme qui convertit tout en niche de marché, dès que les personnes en question appartiennent à la classe bourgeoise ou à l’aristocratie ouvrière. Que la condition d’un ouvrier non-blanc est beaucoup plus proche de celle d’un ouvrier blanc que de celle d’un bourgeois non-blanc. Que si les ouvriers et ouvrières non-blancs ont statistiquement moins de chances de réussir un entretien d’embauche qu’un candidat blanc c’est tout d’abord parce qu’ils sont ouvriers. Il suffit de remarquer que les bourgeois ne passent pas des entretiens d’embauche. Que si les ouvriers et ouvrières non blancs sont plus souvent embauchés au noir c’est premièrement parce qu’ils sont ouvriers et ouvrières. Remarquons que les patrons blancs et non-blancs ne travaillent pas (et beaucoup moins au noir). Ils font au contraire travailler les autres pour les exploiter, si possible au noir. Que si les femmes de classe ouvrière subissent jusqu’à trois fois plus les contrats à temps partiel que les hommes de classe ouvrière pour s’occuper de leurs enfants et de l’entretien de leurs logements, c’est tout d’abord car elles sont ouvrières. Rappelons-nous que les bourgeois et l’aristocratie ouvrière peuvent exploiter systématiquement des nounous sous-payées et qu’ils ne négocient pas leurs salaires (ou leurs profits) dans les mêmes conditions que les femmes de classe ouvrière.
Que si les si craints et stigmatisés « quartiers populaires » avec des logements insalubres, des écoles et crèches surpeuplées, des transports de merde voire inexistants, etc. sont habités en majorité par des ouvriers non-blancs c’est justement parce qu’ils sont des ouvriers. Un bourgeois quelle que soit son origine a assez d’argent pour se payer un logement bien loin de cette « racaille » qu’il haït tant.
La culpabilisation individuelle, l’auto-discipline, l’ascétisme expiatoire auquel certains « anti-racistes » veulent soumettre des populations ouvrières censées être « privilégiées », représentent des obstacles à la libération des populations discriminées qu’ils prétendent défendre. En plus de jouer le jeu de la bourgeoisie, en épargnant systématiquement le système économique et politique qui est à l’origine des expoliations passées et présentes, des discriminations et des crimes massifs dont l’impérialisme capitaliste et la classe bourgeoise sont les seuls responsables. La classe ouvrière blanche et non-blanche subit l’exploitation et l’oppression capitaliste. La bourgeoisie n’a pas besoin de connaître la couleur de peau ou le sexe des salariés pour les exploiter et se faire des profits sur leurs dos. Le racisme comme discrimination systématique des populations non-blanches trouve sa source dans la domination bourgeoise sur le prolétariat. Le racisme existe pour mieux exploiter la main-d’œuvre et pour augmenter les profits de la bourgeoisie, mais aussi pour diviser la classe ouvrière et l’empêcher de s’unir.
La « lutte de races » n’existe pas, notre condition c’est la lutte de classes. Finissons avec l’exploitation capitaliste et nous aurons fini avec le racisme.
Une réflexion au sujet de « Guerre des « races » ou guerre des classes ? »
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