Violences policières, confinement et capital en crise

De Villeneuve-la-Garenne à Bordeaux en passant par l’inévitable Seine-Saint-Denis, la période de confinement a vu comme c’était à prévoir une explosion de la violence policière. En plus des cas de tabassage et humiliations parfois rendus publics par l’acharnement de témoins et de proches des victimes, il faut ajouter les douze homicides recensés pendant ces deux mois dont la police s’est rendue coupable. Devant chaque cas devenu trop viral pour être mis sous le tapis, c’est à quel éditocrate déterrera le premier le casier judiciaire de la victime. De ce point de vue au moins aucune perturbation n’a pu être constatée. Mais nul journalisme de préfecture ne peut masquer ce fait indéniable : la milice publique s’est déchaînée.

Le bras armé de l’État bourgeois, dont le rôle est de contenir la pression des masses laborieuses à son encontre, dans ce contexte de grande tension sociale ne pouvait s’illustrer mathématiquement que par l’accentuation de ses actions anti-populaires. Malgré la crise sanitaire l’enjeu demeure pour les monopoles et leur État de voler le surtravail. Par le manque à gagner issu de la raréfaction des emplois encore occupables et de la désorganisation du télétravail, l’équilibre de la bourgeoisie s’est retrouvé perturbé. C’est en toute logique qu’elle a procédé à une intensification policière là où les masses laborieuses auraient pu profiter de cette brèche.

Nulle dispersion manu militari de petits attroupements festifs de cadres supérieurs ni d’agression physique pour des petits bourgeois faisant leur promenade quotidienne sans attestation, alors qu’à l’inverse les lieux récurrents des agressions et homicides policiers sont immanquablement des lieux de concentration populaire. Ainsi le 16 mars à Aubervilliers Ramatoulaye B., 19 ans, ayant présenté à un contrôle une attestation manuscrite, donc parfaitement légale, a subi l’agression des forces de l’ordre au moyen de tasers avant d’être embarquée au poste. Ou encore le 8 avril à Béziers, Mohammed Gabsi, 33 ans, arrêté pour « non-respect du couvre-feu », décède entre les mains de la police lors de son immobilisation.

Pour le 1er Mai, Journée Internationale des Travailleurs, la manifestation parisienne a été réprimée avec violence, alors qu’à Montreuil une soupe populaire était dispersée à la matraque, les policiers procédant à la verbalisation de toutes les personnes présentes au titre de « manifestation revendicative ». On ne saurait trop s’inquiéter à l’avenir de tels intitulés.Parallèlement le rendez-vous annuel du Rassemblement National en hommage à la sainte patronne des chauvins et fascistes Jeanne d’Arc a pu se dérouler, en la personne de Marine le Pen et son vice-président Jordan Bardella, devant les caméras sans être en rien importuné par les pouvoirs publics.

Ne se bornant nullement à la seule répression des manquements, ou jugés tels, au confinement, l’État a très bien su profiter du phénomène pour sa mission de garde-fou de classe. à ce titre la période peut être considérée comme un véritable laboratoire des latitudes dont compte jouir le pouvoir dans sa fuite en avant fascisante.

La confrontation du travailleur isolé face à des brigades mobilisées de policiers, l’absence totale de témoins, la hardiesse exigée par les pouvoirs publics pour réprimer toujours plus fort, l’acharnement décuplé à ne rien céder devant les victimes, tous ces éléments ont infusé les pratiques policières dans leur ensemble. Si la répression du mouvement des Gilets Jaunes, et avant elle celle du mouvement populaire contre la loi El Khomri, a démontré une volonté radicale de brutalité face à la contestation, celle gravitant autour du confinement dénote une volonté d’organisation stricte, systématique, de celle-ci. Il s’agit ici d’organiser une impuissance fondamentale face à cette répression. En atomisant les groupes et les résistances, quartier par quartier, logement par logement, en soustrayant autant que possible l’action policière aux regards, l’État tente d’imposer plus d’opacité encore autour de ses forces de l’ordre.

Très significative est l’adoption en pareilles circonstances, bien que déconnectée de la situation sanitaire, de la loi-bâillon Avia qui dote la police de pouvoirs en matière de censure relevant d’ordinaires des tribunaux.

Empêtré dans ses contradictions, le capital vit une situation de crise bien antérieure et bien plus large que celle du Covid-19. Les profits s’avèrent menacés et les appétits capitalistes s’aiguisent alors que les rivalités impérialistes vont s’accentuant. Dans ce contexte, les monopoles se dirigent de plus en plus sûrement vers une solution de sortie de crise de type fasciste. Ainsi devisait le chef de file du MEDEF Roux-de-Bézieux sur les mérites comparés des systèmes « démocratiques » et « autoritaires » en cas de crise soudaine. Or on ne passe pas de l’un à l’autre en un claquement de doigts.

Face aux gradations à venir de la violence policière, soyons mobilisés, organisés et combatifs.
En finir avec la violence policière, c’est avant tout en finir avec la domination bourgeoise.

Manolo