L’usage massif, intense et quotidien des médias est un trait caractéristique des sociétés capitalistes tardives. « Informer » et « communiquer » sont les maîtres mots de notre époque : il s’agit toujours plus de dire ce qui se passe, d’utiliser des mots et des images pour représenter le monde, à tel point qu’un « événement » n’existe pas s’il n’est pas emparé par les médias. Cette quête à une exhaustivité illusoire et naïve se traduit par une emprise des individus par des technologies de l’information de plus en plus présentes et de plus en plus intrusives. La crise sanitaire a révélé d’une part tout le potentiel sécuritaire qui se présente aux gouvernements bourgeois au travers des technologies de communication, et d’autre part la possibilité des médias d’instaurer un climat de terreur qui a pour conséquence de renforcer la domination de la classe capitaliste sur le peuple-travailleur et sa jeunesse.
En France, a été évoqué et sérieusement envisagé la possibilité du recours, sur la base du volontariat, à l’usage d’applications de traçage numérique permettant aux autorités de retracer les chaînes de contamination, en surveillant les déplacements et les activités des individus dans l’espace. Équivalent au bracelet électronique, on peut sérieusement douter de l’efficacité de cette surveillance numérique pour combattre le virus, les dépistages massifs et l’ouverture de centres et de postes médicaux étant les moyens concrets les plus efficaces pour combattre rapidement la propagation du virus. Quand l’urgence est à la protection des travailleuses et des travailleurs, du bas âge aux plus âgés, les capitalistes n’ont en tête que de renforcer les dispositifs pour assurer leur domination de classe. Ceci quand bien même ces dispositifs sont déclarés temporaires par les mêmes qui promeuvent et mettent en place des dispositifs. Car ce qui est temporaire pour la dictature de classe des capitalistes est en passe de se normaliser, il suffit pour cela de voir l’État d’urgence voté fin 2015, devenu permanent et renforçant la domination de la dictature des capitalistes. On peut faire la même hypothèse pour l’usage des drones dans l’espace public (après leur usage dans les manifestations et lors du confinement), la détection faciale, les caméras thermiques, etc.
Peut-on parler de progrès technologique lorsque la technologie est au service des intérêts de la classe capitaliste ? Rappelons que cette même classe s’enrichit sur le dos des travailleuses et des travailleurs et détruit nos vies par l’austérité généralisée, l’attaque des services publics, le chômage, la précarité et la destruction de l’environnement. La technologie devient alors un moyen pour les monopoles et les gouvernements à leur solde de renforcer leur domination, leur dictature de classe, alors qu’elle présente de nets potentiels pour améliorer les conditions de vie et de travail des travailleuses et des travailleurs. Ce qui nous attend pourrait faire envier les dystopies, les gouvernements pouvant contrôler et surveiller les individus dans l’espace, violant ainsi les libertés fondamentales sous prétexte d’État d’urgence sanitaire ou d’une quelconque raison impliquant le « bien commun ». À ce titre, la mise en place de primes a été évoquée à destination des médecins qui « renseigneraient » à l’État les patients atteints du Covid-19, tandis que des « fiches pédagogiques » sont en passe d’être mises en place chez les enseignants afin de signaler les élèves qui tiendraient des « propos inacceptables ». L’enjeu sécuritaire et la surveillance généralisée sont donc une réalité chez les capitalistes et l’État bourgeois.
Si la responsabilité des capitalistes et des gouvernements bourgeois dans la crise sanitaire se présente désormais à nous, presque sur un plateau d’argent, ces derniers n’ont pas tardé d’employer tous les moyens médiatiques pour créer un climat de terreur. Il est par exemple devenu banal d’entendre parler du Covid-19 tous les jours à toutes les heures et en boucle à la télévision et à la radio, à tel point que nos conversations ont été polarisées autour de ce sujet. Par ailleurs, c’est la rhétorique guerrière qui a été employée par Emmanuel Macron dès le début de la crise sanitaire, justifiant ainsi la nécessité des capitalistes de créer une unité nationale qui reporterait à plus tard les débats et tensions sociales (notamment autour de la réforme des retraites). Ce climat de guerre avec un « ennemi de l’intérieur » est un instrument bien utile pour légitimer les mesures autoritaires et sécuritaires de l’État, tout en tentant de diviser les travailleuses et les travailleurs. Au-delà d’une malavisée sous-estimation de la dangerosité du virus qui circule encore, il faut voir que le climat de terreur crée une méfiance généralisée entre les individus : l’autre est potentiellement un porteur du virus. C’est un climat qui profite à celles et ceux qui le créent au travers des médias et qui veulent porter l’entière responsabilité de la propagation du virus et de l’augmentation du nombre de morts sur les épaules des travailleuses et des travailleurs. En effet, ces derniers seraient indisciplinés, ils manqueraient de civisme et ne seraient que des abrutis qui ne pensent qu’à vouloir profiter du beau temps. En plein confinement, les images de foules dans les magasins ou faisant la queue devant un MacDonald’s, la dénonciation arbitraire des personnes qui se trouvaient à l’extérieur (y compris de nombreuses dénonciations à la police!) et beaucoup d’autres exemples, ont été le support de ce déversement de haine de classe qui s’est banalisé, à tel point que nous manquons parfois d’armes pour prendre du recul pour analyser ces situations, voir la réalité d’un système de santé désastreux qui est le résultat des politiques d’austérité des capitalistes, ainsi que la responsabilité d’un système capitaliste qui continue à faire travailler dans des secteurs non-essentiels de la production.
Ce que l’on voit ainsi, c’est l’exploitation par les capitalistes des sentiments de peur, d’inquiétude, d’incertitude chez les jeunes, sentiments qui régnaient chez les jeunes avant l’épidémie (peur de perdre son emploi, incertitude quant à son avenir professionnel, etc.) et qui sont renforcés par la période actuelle. Ceci dans une logique de les pousser à l’obéissance et à taire leur colère, dans une perspective d’intimidation, en somme. C’est la définition même de « terrorisme ».
« Redresser le pays », telle est la nécessité que nous imposent les capitalistes. Mais ne nous trompons pas : ces derniers veulent nous faire payer la crise. Dès à présent, il s’agit de sacrifier ses congés payés, ses RTT, de travailler plus, d’accepter les restrictions des libertés individuelles et collectives pour aider la « nation ». À cela les médias ont préparé le terrain durant le confinement et leur « jour d’après » n’est qu’une vaste farce consistant à relancer la machine économique et l’accumulation de profits. La terreur médiatique est donc un moyen de détourner, de faire diversion afin de cacher au mieux la responsabilité de classe des capitalistes dans la crise sanitaire et le nombre de morts inacceptable. Cette terreur, en créant la méfiance généralisée, tend à détruire les liens et la conscience de classe au sein du peuple-travailleur et de sa jeunesse. L’ambiance nauséabonde et ultra-individualiste que les capitalistes créent et entretiennent a pour but de faire reposer la crise sur ceux qui la subissent.
L’urgence est donc de poursuivre la création de solidarités et le renforcement de notre conscience de classe dans le combat qui se profile. Déjà pendant le confinement, beaucoup ont répondu à l’appel de ne pas céder à l’ultra-individualisme ambiant, en s’entraidant et en poursuivant la lutte sur le plan des revendications. Les capitalistes créent la peur et la désorganisation, à cela il faut transformer sa peur et sa colère en organisation, seul moyen de faire face aux attaques de classe qui se profilent.
Jim