Après le retrait total des troupes américaines du territoire afghan, seulement deux semaines auront été nécessaires aux Talibans pour reconquérir le pays et entrer dans la capitale. Vingt ans se sont écoulés depuis l’intervention de l’OTAN à la suite des événements du 11 septembre, mais c’est dès 1979 que les Etats-Unis interviennent pour la première fois en Afghanistan. À cette date, Ismaïl Khan et la 17ème division de l’armée se révoltent contre le parti démocratique populaire d’Afghanistan au pouvoir. Cette révolte réactionnaire est provoquée par une série de réformes, notamment sociales (droit des femmes par exemple), qui sont perçues par ces derniers comme contraires aux traditions afghanes. Ils se réfugient dans les montagnes pour mener des offensives contre le gouvernement en place avec l’aide de la CIA qui, en pleine guerre froide, souhaite voir tomber le régime socialiste. Ce dernier est pourtant issu d’une initiative absolument afghane, et n’a reçu à cette période aucun soutien de l’Union Soviétique.
À partir de ce moment, le destin de l’Afghanistan sera étroitement lié à la présence des États-Unis. L’URSS, intervenue en 1980 pour reprendre les territoires pris par les rebelles, se retire en 1989 car ses moyens ne lui permettent plus de soutenir directement le régime. Elle laissera du matériel sur place, mais au bout de trois ans, face au soutien important aux rebelles des États-Unis et du Pakistan, le régime tombe. En 1992, les Talibans marchent sur Kaboul. En 1996, après s’être réfugié pendant quatre ans dans l’immeuble des Nations Unies, Mohammad Najibullah, président de la République d’Afghanistan, ainsi que son frère, seront traînés dans la capitale, torturés à mort par un commando de Talibans et leurs corps exposés à l’extérieur du palais.
Un an plus tard, grâce aux énormes moyens financiers déployés par les États-Unis depuis 1979, ce sont ces mêmes Talibans qui prennent le pouvoir en Afghanistan. C’est l’attentat des Tours Jumelles, le 11 septembre 2001 qui déterminera l’action de l’OTAN en Afghanistan. Hamid Karzai devient président de la l’administration intérimaire puis président de la République d’Afghanistan, nommé par une conférence sous l’égide de l’ONU.
L’OTAN et les États-Unis resteront en place dans le pays jusqu’en 2020 et les activités rebelles perdurent durant cette période. En 2021, le retrait décidé unilatéralement par les États-Unis en 2018 devient effectif et l’ensemble des troupes américaines se retirent du territoire. Sans sa présence mais surtout sans son aide financière et matérielle, le gouvernement afghan est immédiatement en péril. Les États-Unis, s’exprimant à ce sujet, estimaient à quelques mois la chute du régime : il aura fallu deux semaines.
Trente ans après la première marche des Talibans sur Kaboul, l’Afghanistan se retrouve quasiment dans la même situation qu’en 1992. Les pertes civiles sont immenses, le pays est ravagé, la situation humanitaire est catastrophique. La volonté américaine d’éviter à tout prix l’édification d’un régime socialiste l’a menée à soutenir sans distinction toute force qui pouvait s’y opposer. Ce faisant, les États-Unis ont été les artisans d’un facteur d’instabilité d’une grande importance, à la fois en soutenant les Talibans momentanément, mais également en leur donnant à long terme la possibilité de gagner en influence, en nombre et en moyens. À aucun moment la majorité du peuple afghan ne s’est prononcée en faveur de la politique imposée par les Talibans. Au pouvoir, c’est par la peur, les persécutions et les restrictions que les Talibans mettent en oeuvre leur idée de ce que doit être l’Afghanistan.
La situation actuelle doit au moins permettre de prendre conscience de la profondeur du pouvoir destructeur de l’impérialisme américain, dont l’Afghanistan n’est malheureusement pas le seul exemple. Ceux qui se présentent comme les « gendarmes du monde » ont également participé à la déstabilisation de la Yougoslavie, de la Libye et ont alimenté la guerre en Syrie. Les motivations de ces interventions sont multiples : imposer l’influence des États-Unis dans les régions concernées contre les autres puissances impérialistes, renforcer leur contrôle sur les matières premières et les voies de communication et lutter contre les pays socialistes. Lorsque la situation échappe à tout contrôle, la réponse est toujours la même : le pays en question ne veut pas tendre à la stabilité et les États-Unis ne peuvent pas se permettre de porter le monde à bout de bras. Ainsi Joseph Biden déclarait-il publiquement le 16 août dernier au sujet des événements récents en Afghanistan : « Nous leur avons donné toutes les options pour déterminer leur propre avenir. [Les forces américaines ne peuvent pas] mener une guerre et mourir d’une guerre que les forces afghanes n’ont pas la volonté de combattre pour elles-mêmes ».
Devant le cynisme des États-Unis et la gravité de l’actualité, que la situation en Afghanistan s’impose à nous comme un catalyseur pour dénoncer et combattre l’impérialisme américain.
Nevine