Intervention de Macron devant les présidents d’Université le 13 janvier 2022 : Accentuer la casse du service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) pour placer ce secteur sous la tutelle du capital
Il y a un an, Intervention communiste (journal du PCRF) publiait un article intitulé « L’enseignement supérieur et la recherche : enjeu d’un affrontement de classes ». Nous présentions la loi de programmation de la recherche (LPR) et la résistance des agents.
Un an plus tard, le 13 janvier 2022, alors que de très nombreux enseignants des premier et second degrés, rejoints par leurs collègues de l’ESR, étaient en grève et manifestaient, Macron est venu présenter aux présidents d’universités son programme pour accélérer la casse du service public d’ESR et le placer sous la tutelle du capital.
D’abord, qui sont présidents d’université ?
Ils sont élus par les membres des conseils d’administration des universités, parmi lesquels les représentants du personnel sont de moins en moins nombreux. De nombreux présidents d’Université se comportent déjà comme des patrons.
Macron commence par déplorer l’ampleur de l’échec des étudiants. Qui ne le déplorerait pas ?
Les premiers à le déplorer sont ceux qui le subissent : les étudiants, leurs familles, ainsi que les agents de l’ESR. Macron avance alors qu’il n’est plus possible de subventionner un service public qui engendre tant d’échec : ça coûte « un pognon de dingue » et ce serait donner de la confiture à des cochons, pardon à des fainéants qui ne viendraient même pas passer les examens ! Évidemment, la réalité est bien différente : si de nombreux étudiants décrochent, c’est parce que les formations sont beaucoup trop chargées, parce que les enseignants ont en face d’eux une masse trop importante d’étudiants en première année pour pouvoir les suivre efficacement. Si de nombreux étudiants échouent, c’est aussi parce que, faute de bourses et de logements étudiants, ils sont obligés de travailler pour payer leurs études. La responsabilité du décrochage et de l’échec incombe aux gouvernements successifs qui n’ont pas investi suffisamment dans l’ESR, dans l’aide sociale aux étudiants qui est un droit. Pour permettre la réussite des étudiants, il faudrait augmenter les bourses, construire des cités universitaires, embaucher des milliers d’enseignants. D’ailleurs, des milliers de jeunes docteurs précaires ne demandent qu’à venir travailler à l’Université.
Macron propose également de réformer l’ensemble de l’ESR.
Il prétend mettre fin au dualisme entre universités et grandes écoles. De prime abord, cela peut sembler une idée juste, puisque les grandes écoles, qui favorisent la reproduction sociale des élites, sont bien mieux subventionnées par l’État. Mais il s’agit évidemment d’un piège : la transformation que Macron propose ne vise pas à démocratiser l’accès aux études supérieures.
Bien au contraire, il s’agit de casser le service public d’ESR assuré par les universités. Celles-ci auront désormais la possibilité d’augmenter considérablement les frais d’inscription.
Par ailleurs, du côté de la recherche, les grands organismes de recherche (par exemple le CNRS) seraient démantelés.
Ainsi, les universités pourront sélectionner les étudiants et s’emparer de la recherche, afin de placer au service du patronat régional tant la formation que la recherche. Pour pousser les universités dans cette voie, Macron annonce la création de contrats pluriels d’objectifs et de moyens passés entre l’État et les universités. Ainsi, le gouvernement, au service du capital, allouerait plus de moyens aux universités qui abandonneraient le plus vite les missions de services publics pour se placer au service du patronat régional. À l’échelle régionale, cette évolution est encouragée par les dirigeants politiques, de gauche comme de droite. Aux milliards déjà accordés par l’État au patronat à travers le crédit impôt recherche, s’ajoute donc une emprise de plus en plus forte du capital sur l’ESR.
Enfin, quelles sont les conséquences pour les salariés de l’ESR ?
D’une part, les conditions de travail sont de plus en plus dégradées. Les agents – enseignants, chercheurs, agents administratifs et techniques – croulent sous la surcharge de travail. D’autre part, le statut de fonctionnaire est remis en cause. Les contractuels – surtout des CDD précaires – sont de plus en plus nombreux, tant parmi les agents administratifs et techniques que chez les chercheurs et les enseignants. Enfin, les qualifications des agents ne sont pas reconnues à leur juste valeur et les salaires sont bloqués. La colère existe et justifie pleinement la mobilisation du 27 janvier pour la défense des salaires, des emplois et des conditions de travail.
Les axes de lutte proposés par le PCRF restent donc d’actualité :
La recherche scientifique doit être une priorité nationale, tout comme l’éducation et la santé : les besoins de l’ESR doivent être définis par un plan national de développement répondant aux besoins sociaux et culturels du peuple.
Le budget national doit consacrer 5 % des dépenses à la recherche publique. L’argent public ne doit plus être offert en cadeau aux entreprises capitalistes ; il doit servir à embaucher les dizaines de milliers d’agents dont l’ESR a besoin, à titulariser comme fonctionnaires les précaires et à revaloriser les salaires.
De véritables États généraux de l’ESR (et non pas une mascarade comme celle du « Ségur de la santé » ou du « Grenelle de l’Éducation »), associant les agents et les citoyens, doivent définir l’état des lieux et les besoins à satisfaire. Aujourd’hui, la lutte contre l’épidémie est une priorité. Il faut aussi encourager la recherche fondamentale dans les sciences exactes comme dans les sciences sociales.