Les médias ont récemment focalisé sur des faits criminels et ont monopolisé l’attention de l’opinion publique dans un contexte de fortes tensions sociales marqué par une bataille historique autour des retraites. Les médias n’étant pas neutres (il faut voir qui sont les propriétaires des chaînes d’information et des journaux), ils jouent un rôle non négligeable dans le maintien du système capitaliste, à une époque où celui-ci est en crise. Or cette « épaisseur médiatique » semble laisser un goût d’inachevé, tant les faits sont traités chaque fois de manière superficielle.
Ce que révèle l’attitude des médias concernant les faits criminels, c’est une hypocrisie médiatique bourgeoise qui masque la réalité du monde et les rapports économiques et sociaux qui ont permis la possibilité et la réalisation de ces faits. On pourra nous rétorquer que ce n’est pas leur rôle puisqu’il s’agirait pour les médias de traiter l’information à chaud. Mais c’est bien toute la logique capitaliste de nous prendre par les émotions, que sur le coup de la spontanéité et des sentiments nous jugeons et catégorisons des faits pour ne pas chercher qui sont les vrais responsables.
Quand une enseignante se fait tuer en plein exercice de son métier, par un élève que de nombreux médias ont catégorisé comme « déséquilibré » parce qu’il prétendait entendre des voix, on a vaguement évoqué la dégradation des services publics. Et le gouvernement s’est rapidement et unanimement pressé d’exprimer sa pseudo solidarité avec le personnel enseignant qu’il maltraite et méprise pourtant depuis plusieurs années. Il faut bien comprendre le contexte de détérioration économique et de dégradation des services publics pour voir que la colère et la détresse sociales ont augmenté depuis plusieurs années. Et les affiches contre les agressions et les incivilités contre les personnels du service public ne sont pas suffisantes si on laisse ce dernier se faire détruire par les coupes budgétaires et si on ne règle pas les problèmes matériels des usagers (insécurité économique et sociale). Plus largement, la délinquance et la criminalité ne sont pas détachées du contexte social – comme si elles étaient des invariants « naturels » – mais bien le produit de sociétés qui connaissent des crises et des contradictions.
La crise économique semble donc avoir pour conséquence l’augmentation de la délinquance et de la criminalité. Est-ce tout ? On pourrait s’en remettre à cette constatation. Mais cela serait rester dans une analyse incomplète voire mécaniste du lien qui existe entre détérioration économique et niveau de délinquance et de criminalité. Des études montrent que le contrôle social des couches populaires par l’État bourgeois s’est accentué depuis les années 70 avec les crises capitalistes : la répression devient l’outil privilégié des classes dominantes pour compenser l’impuissance du système capitaliste à maintenir sa légitimité via la sécurité économique et sociale donnée aux travailleurs. Le délinquant et le criminel sont alors présentés comme des acteurs faisant le mal de manière consciente, notamment par un traitement médiatique qui accentue le sentiment d’insécurité de l’opinion publique, afin de détourner les travailleurs de leurs problèmes matériels. Et bien plus encore, délinquants et criminels sont l’objet d’une sécession médiatique et sociale : l’image d’un « monstre » criminel qui ne peut pas être identifié au reste de la société, alors qu’il en est bien le produit.