Interview : Maëlle, 22 ans, en alternance dans l’édition, sur ses conditions de travail et d’étude

Article paru dans notre dernier numéro de La Relève (janvier-mars 2023), à retrouver au lien suivant : https://www.unionjc.fr/…/16/la-releve-janvier-mars-2023/

Mon parcours professionnel
Après une L3 d’Histoire et un contrat de 70h par mois en tant que serveuse dans la restauration, je suis partie à Paris pour un master de recherche en Histoire à l’EHESS. C’était claqué et j’avais besoin d’argent alors je faisais des petits boulots au black, genre babysitting ou aide aux devoirs. J’ai arrêté la recherche en Histoire, puis j’ai trouvé un stage payé de 6 mois aux éditions la Découverte qui m’a permis de postuler à un master en alternance.

Ce que je pense de ma formation
En vrai les cours sont inutiles et on est tous d’accord sur ça dans la promo. C’est dans l’entreprise que tu apprends mais c’est hyper pervers : on te fait rêver en t’expliquant que t’es payé pour aller en cours. Ton salaire n’est pas calculé par rapport à tes horaires dans lesquels les cours pourraient entrer, mais par rapport à une grille d’âges. À travail égal, tu touches presque un SMIC à 26 ans contre 800 euros quand tu as 22 ans. Mais si tu ne vas pas en cours ils n’hésitent pas à te faire une retenue de salaire. En plus, au vu des aides aux entreprises pour l’alternance, on est une main-d’œuvre gratuite. On se fait enfler de A à Z. Comme t’es jeune tout le monde te prend pour une idiote qui découvre le monde en entreprise : c’est insupportable.
Les 35 heures, c’est lourd surtout dans des villes comme Paris où t’as deux ou trois heures de trajet par jour. Tu pars de chez toi à 7h30 pour revenir vers 19h-19h30 : t’as le temps de rien faire à côté. Tu vas en cours ou au taff, et quand tu rentres le soir tu dois faire les tâches ménagères, tes devoirs pour le CFA et faire ton mémoire pour la fac. En entreprise on te charge de travail comme si t’étais à plein temps normal et tu te retrouves seules à faire le taff de cinq jours en trois. Plus ça va et plus on te donne des tâches difficiles et complexes d’un « vrai » salarié. Et bien sûr les heures supp’ ne sont pas comptabilisées.

Ce qu’il faudrait changer dans ma formation actuelle
D’abord, mettre les pendules à l’heure vis-à-vis de ton statut théorique d’alternant et de la vraie vie. Sur le papier t’es tout le temps accompagné et tu dois faire 50% du travail d’un salarié ordinaire, mais dans les faits ce n’est pas du tout le cas. Il faut donc changer l’accompagnement pour en avoir un vrai dans l’entreprise. Il faut aussi alléger les cours et revoir les cours de la fac, car les thématiques étudiées sont déconnectées de ce qu’on fait en entreprise. Et de manière générale, abaisser le temps de travail comme la semaine à quatre jours, supprimer le système des tranches d’âge pour être payé au quota horaire comme tout le monde et puis être payé au SMIC au minimum.

Mon engagement associatif
Quand j’aurai fini mon alternance et que j’aurai un CDI ou un bon contrat, je vais aller faire chier le patron. Actuellement je suis surtout dans des organisations féministes car je m’y sens plus légitime et concernée. J’étais surtout impliquée dans l’AG féministe Paris-banlieues pour organiser la grève générale du 8 mars. J’aime bien cette direction, dans le sens où on essaie d’unir féminisme, anti-racisme et anti-capitalisme pour lutter contre les bourgeois. On s’est beaucoup investies contre la réforme des retraites. Mais des fois je me pose des questions, savoir si ça suffit surtout vis-à-vis du mouvement syndical et ouvrier. Les relations sont difficiles, je vois beaucoup de camarades qui ont des réticences à bosser avec les syndicats et inversement.