Gaza aujourd’hui : séquence historique de la lutte contre l’impérialisme

À retrouver également sur le site du PCRF au lien suivant : https://pcrf-ic.fr/Gaza-aujourd-hui-sequence

En tant que marxistes-léninistes, nous tenons à un cadre d’analyse : si les luttes des classes ont toujours un contenu international, c’est par le cadre national qu’elles s’expriment. La nouvelle séquence de luttes ouverte à Gaza en est un exemple criant, où la lutte de libération nationale du peuple palestinien a rebattu les cartes de l’ensemble des forces en présence dans l’impérialisme contemporain à tous les niveaux.


Rappelons d’abord les faits sur le temps long. La bande de Gaza est un territoire minuscule (superficie de 365 km2, soit environ l’équivalent de la métropole de Toulouse…) connaissant un des plus hauts taux de densité de population au monde (6 090 habitants au km2), sous blocus depuis 2007 par tous les moyens possibles : restriction des zones maritimes rendant impossible même la pêche, deux points d’entrée et de sorties au Nord et au Sud, sans même parler des huit camps de réfugiés Palestiniens qui n’ont eu de cesse de s’accroitre.


Pourquoi ? Parce que depuis la seconde intifada, l’État israélien a connu une fascisation de sa démocratie bourgeoise qui a accéléré ses politiques de colonisation et d’apartheid. La Cisjordanie est à présent contrôlée à 60% par Israël, le nombre de prisonniers politiques est estimé à plus de 5 000, sans parler d’une structure d’un appareil répressif particulier d’un état colonial. En effet, la militarisation de la population et la liberté laissée à Tsahal ou aux colons eux-mêmes dans leurs exactions quotidiennes, sont source de violences ayant cours dans les centaines d’avant-postes et « zones de sécurité » sous juridiction d’apartheid. Cette extension des pouvoirs et outils de l’appareil répressif d’État, faisant le cœur de tout État bourgeois, permet à la classe dominante israélienne de former un large bloc de classe sous l’idéologie fanatisée du Likoud et les avantages juridiques et économiques d’une colonisation allant s’accélérant.


Le contexte actuel est celui d’une tentative de remettre au centre la question palestinienne. En effet, les « Accords d’Abraham », sous l’égide de l’impérialisme états-unien, ont eu pour effet de normaliser comme jamais les relations des bourgeoisies nationales environnantes comme celles des Émirats arabes unis, de l’Égypte ou du Maroc, avec Israël. Ce n’est que dans ce contexte que la violence inouïe et réelle du 7 octobre 2023 prend sens. À une situation désespérée, répond une violence dont les modalités visent à renverser la normalisation du nettoyage ethnique d’un peuple en une question centrale à l’échelle mondiale. Depuis le 7 octobre, les accords économiques et politiques passés entre les impérialismes des Emirats, de l’Arabie saoudite et d’Israël ont été suspendus. La Turquie envisage également de geler le gazoduc pour le gaz israélien vers l’Union européenne, projet en concurrence avec celui de la Russie, Gazprom. Ce gazoduc a aussi des intérêts contradictoires en jeu avec la « route de la soie » chinoise qui servirait les intérêts de l’impérialisme chinois au détriment d’autres puissances impérialistes. Le risque de généralisation du conflit est bien réel, le Proche-Orient – avec l’Iran et le Liban (Hezbollah), la Syrie (avec le Golan occupé), l’Égypte (qui a interdit les Frères musulmans) – et les zones périphériques étant de véritables poudrières : telles la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie au Haut-Karabagh où les Arméniens sont ’’déplacés’’ avec l’approbation de la Russie et de l’Iran pour des raisons économiques comme la « route de la soie » ou les Balkans avec Serbie et Kosovo. Ce conflit et son extension possible permettra encore un débouché pour le capital en sur-accumulation : ventes d’armes durant les hostilités et la reconstruction ensuite par des monopoles.


En ce sens, deux écueils sont à éviter dans toute action de soutien à la lutte palestinienne et la séquence ouverte depuis le 7 octobre : un gauchisme romantique, et un opportunisme complice. Pour mieux cerner chacune de ces tendances consubstantielles à toutes forces progressistes évoluant dans un centre de l’impérialisme comme la France, les informations sur les forces en présence dénotent un rapport tout autre qu’une logique binaire : du côté palestinien, les brigades du Hamas côtoient celles du Fatah, comme celle du Front populaire de libération de la Palestine, ou encore le Front démocratique pour la libération de la Palestine1. Ainsi, ce sont bien des tendances religieuses fondamentalistes, mais aussi des tendances laïques, et historiquement marxistes qui sont les composantes de la résistance palestinienne. Rappeler ceci, c’est rappeler le contenu de classe de la lutte en cours : celui d’un front large en vue de l’émancipation nationale palestinienne, qui certes a subi un revers extrêmement lourd du côté laïque et progressiste, revers dû à la contre-révolution à l’échelle mondiale, mais un front tenant toujours. Nous n’avons donc pas à soutenir les bombardements démentiels d’Israël sur Gaza (autour de 15 000 morts !) sous prétexte de « lutte contre le terrorisme », ou de la « barbarie islamiste », puisque ni Gaza, ni le peuple palestinien, ni sa lutte ne se réduisent au Hamas. Affirmer le contraire, comme le faisaient Macron et ses ministres en octobre (avant d’infléchir leur discours en novembre, face à l’ampleur du désastre, non par humanité mais par pure stratégie impérialiste du côté des alliés qataris et autres du Proche-Orient…), est tout simplement soutenir la mort indistincte d’enfants, de familles entières et de vieillards. Malgré tout, les massacres du 7 octobre sont bien sûr d’une violence inouïe, inacceptable, et en aucun cas à idéaliser. Ils constituent une horreur en réponse à une autre, celle d’une colonisation qui n’a jamais finie, de massacres et d’humiliations subis depuis 1948 que nous sommes à présent contraints de voir précisément dû aux modalités d’actions.


Que faire aujourd’hui ? La lutte ouverte depuis le 7 octobre concerne également notre lutte contre notre propre impérialisme. En effet, l’État bourgeois français, comme les États anglais et états-uniens à ses côtés, est l’un des plus fervents défenseurs de l’État colonial en place. En témoignent les investissements militaires de la France en Israël, ayant encore franchi un cap depuis le début du conflit, comme avec Thalès, qui propose de racheter pour 3,6 milliards la société de cybersécurité israélienne Imperva, tout comme l’intérêt stratégique de circulation de capitaux avec l’aide des classes dominantes israéliennes. 200 entreprises françaises y sont présentes, surtout dans le domaine des nouvelles technologies, comme des champs de panneaux solaires, qui y sont gérés par les monopoles français etc. Tous produits confondus, les exportations françaises à destination d’Israël restent modestes, mais sont passées de 1 386 millions d’euros en 2020 à 2 131 millions en 2022 – soit une augmentation de 53%. Depuis 10 ans, la France a vendu pour 200 millions d’euros d’armes à Israël, qui bombarde aujourd’hui Gaza. Là aussi, même si les contrats restent petits, la France est le premier fournisseur européen d’armements à l’État d’Israël. Plus encore, les gisements de gaz découverts au large des côtes de Gaza dans les années 90, qui contiendraient 50 milliards de m3, n’ont jamais été exploités par les Palestiniens à cause du blocus imposé par Israël. Le 29 octobre, le ministre israélien de l’énergie a accordé des licences d’exploitation des gisements de gaz palestinien à six sociétés, dont l’italien Eni, le britannique BP ou l’azéri Socar. Les monopoles des États de l’Europe tentent donc de se placer sur les ressources naturelles comme sur les contrats de reconstruction de Gaza, qui seront financés avec la mainmise des organismes internationaux du système impérialiste (OMC, FMI, banque mondiale…).

De l’autre côté, les contrats avec les pays du Proche et du Moyen Orient sont sans comparaison plus importants et représentent pour l’armement des centaines de milliards (E.A.U, Arabie saoudite, Qatar, Liban, Égypte, etc). Tous les monopoles français y sont présents et Engie gère par exemple aux E.A.U le plus grand champ de panneaux solaires du monde. Même si en dernière instance, c’est un soutien à l’État d’Israël (il faut aussi prendre en compte l’allié états-unien), c’est pourquoi le discours de l’impérialisme français est double pour tenir compte de ses intérêts dans la région : visite d’Israël et de la Cisjordanie, demande de trêve et de cessez-le-feu, condamnation des bombardements sur bâtiments et personnels de l’ONU, camps, envoi d’un bateau hôpital…. Comme toujours, les positions économiques des monopoles français expliquent les politiques de l’État en France comme dans tous les pays impérialistes.


La dénonciation de la bourgeoisie française comme complice du massacre en cours à Gaza par l’armée israélienne continuera dans toutes les luttes déjà engagées pour soutenir le peuple palestinien, et ce malgré la politique que met en place l’État français pour les empêcher : intimidation, propagande pro-israélienne en partie relayée par les médias officiels, dissolution arbitraire d’organisations, répression de manifestations, etc.


La lutte palestinienne nous impose aussi clarification, débats, et explications avec toutes les personnes sensibles au sort des Gazaouis : la lutte palestinienne est un des maillons centraux de la lutte contre le système mondial des États impérialistes, la lutte contre la politique de colonisation et d’apartheid menée par l’État d’Israël étant le combat contre des classes bourgeoises aux avant-postes pour de nombreux impérialismes historiques.


Affaiblir l’État israélien et reconnaître un État palestinien, c’est affaiblir notre impérialisme ainsi qu’une chaîne de pays impérialistes, sur son front avant. Combattre notre impérialisme en rassemblant toutes les couches exploitées sous la direction de la classe ouvrière, c’est affaiblir notre impérialisme sur le front arrière de la lutte en cours.


Aujourd’hui, notre Parti lie la question de la Palestine aux luttes des travailleurs à travers la solidarité internationaliste : le gouvernement français doit cesser toute aide à l’État colonial israélien, et il faut exiger qu’il reconnaisse et soutienne le droit du peuple palestinien à la sécurité, à la paix sur sa terre et dans son État de Palestine avec Al Qods pour capitale.


Notre parti appelle élargir la lutte pour la paix avec sa campagne pour la Paix « Accusons le capitalisme », à coordonner des actions qui gênent concrètement l’impérialisme français dans son soutien à Israël. Récemment des avions de chasse français ont par exemple accompagné le déploiement de navires états-uniens au large d’Israël. Notre parti pourra s’appuyer sur la fondation de l’Action Communiste Européenne nouvellement créée, et dont il est membre fondateur.

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(1) : Ajoutons deux autres éléments centraux : La résistance palestinienne prend de multiples formes, des Lion’s Den composés de brigades populaires d’auto-défense évoluant dans les grands camps de réfugiés tel que celui de Jénine, sans affiliation politique centralisée, au réseau quotidien de relais d’information et de matériel dans la population jusqu’au huit brigades armées en jeux aujourd’hui. Qui plus est, dans des luttes d’une telle intensité, le manque d’information depuis un centre impérialiste comme le nôtre impose une grande précaution dans l’attention aux tendances de classe multiformes s’y exprimant et leurs évolutions rapides, sans jamais réduire la richesse de la situation concrète à des entités abstraites comme « Le Hamas », ou « les Palestiniens ».