Les luttes de classes Vénézuéliennes et leurs leçons stratégiques : traduction commentée d’un communiqué public du Parti Communiste du Venezuela

En juillet 2024 se sont déroulées les élections présidentielles au Venezuela, ayant débouché sur une aggravation des luttes de classes dans le pays partant des multiples preuves démontrant une fraude électorale en faveur du PSUV et de Nicolas Maduro. À partir de cet été jusqu’aujourd’hui, l’État vénézuélien a organisé une répression massive des manifestations réclamant une transparence électorale les accablant d’être des soutiens à l’impérialisme, répression dont est également victime le Parti Communiste du Vénézuela (PCV). Le PCV historique est déjà la cible d’attaques incessantes du PSUV depuis quelques années, attaques s’intensifiant jusqu’à l’invention de chefs d’accusations ou la formation fantoche d’un faux PCV afin d’empêcher toute participation électorale des communistes¹.

Le communiqué que nous traduisons ici est une lettre ouverte aux partis communistes et ouvriers internationaux, rédigée par Héctor Alejo Rodríguez, secrétaire aux relations internationales du PCV menacé d’incarcération par le gouvernement Maduro, visant à clarifier le contenu de la conjoncture politique vénézuélienne.

En plus de ce communiqué, l’UJC et le PCRF tiennent à réaffirmer leur soutien internationaliste au PCV face à la répression inouïe dont nos camarades font l’objet. Les menaces, fausses accusations ou les condamnations du PCV comme « soutiens de l’impérialisme » sont injustifiables et doivent cesser.

Deuxièmement, noter que l’exacerbation de la lutte des classes au Venezuela et l’analyse de son contenu dans ce présent communiqué rappelle à tout communiste cette vérité brûlante : sous l’impérialisme, stade monopolistique et mondial du capitalisme, la social-démocratie ne peut être un allié de la classe ouvrière et du socialisme, quel que soit la phrase de gauche qu’elle puisse utiliser.

L’autoritarisme du gouvernement Maduro ne tombe pas du ciel, mais exprime bien la volonté de fractions bourgeoises et de leur État, dépendantes sous l’impérialisme mondial d’autres monopoles et cherchant à renforcer l’exploitation de classe afin de maintenir sa place dans ces jeux d’alliances. À l’heure où en France le Nouveau Front Populaire nourrit déjà des espoirs déçus, et où parfois même dans le mouvement communiste des tendances opportunistes nourrissent des conceptions fausses de l’impérialisme pour mieux soutenir certaines bourgeoisies nationales face à d’autres dans des contradictions grandissantes, les luttes du PCV nous rappellent que si la forme de la social-démocratie change, le contenu reste le même aujourd’hui.

Des alliances électorales fortuites aux défenses du « socialisme du 21 ème siècle », la social-démocratie incarne toujours l’une des ailes du capital, venant canaliser la lutte des classes ou la menant frontalement contre les travailleurs quand il le faut.

« Chers camarades,

La situation dans le pays est très complexe. Le différend politique entre les deux blocs hégémoniques de la bourgeoisie nationale tend à s’aggraver, en raison des déficiences du processus électoral présidentiel du 28 juillet dernier. D’une part, la fraction de la bourgeoisie qui a son représentant politique dans le parti au pouvoir, le PSUV, s’accroche au contrôle politique de l’État, allant jusqu’à recourir à la fraude électorale, et d’autre part, les partis de la bourgeoisie traditionnelle, regroupés dans l’alliance de la Plate-forme unitaire, remettent à l’ordre du jour une ingérence extérieure.

Pour la classe ouvrière vénézuélienne, tout n’est pas noir ou blanc dans ce conflit. Il n’est pas vrai qu’exiger le droit à la transparence du processus électoral et le respect de la volonté populaire exprimée majoritairement dans les urnes serait se ranger du côté des forces politiques de la droite traditionnelle, et encore moins du côté de l’impérialisme.

C’est à ce chantage grossier que la fraction bourgeoise au pouvoir entend recourir pour disqualifier et criminaliser les luttes légitimes des travailleurs et des couches populaires qui exigent aujourd’hui la transparence et la vérification des résultats électoraux.

Certains, même depuis l’étranger, tentent d’imposer la thèse du moindre mal, quitte à cautionner une fraude électorale grotesque, qui se traduirait par un recul brutal du peu qui reste à la classe ouvrière vénézuélienne en matière de libertés et de droits démocratiques.

Comme nous le défendons depuis notre 16e Congrès national, aucun des partis représentant les deux fractions de la bourgeoisie qui s’affrontent ne représente les intérêts et les aspirations de la classe ouvrière vénézuélienne. Mais en particulier, les forces qui soutiennent le gouvernement actuel de Nicolas Maduro expriment l’ajustement anti-populaire et anti-ouvrier le plus agressif de l’histoire du pays.

Ce gouvernement a été très efficace dans l’utilisation de tout le contrôle qu’il exerce sur l’ensemble de l’appareil d’État, pour servir les intérêts du capital et imposer sur les épaules de la classe ouvrière les effets néfastes de la crise et des sanctions impérialistes criminelles.

La question n’est pas que les sanctions ne seraient pas responsables de la crise que traverse le pays, mais que le gouvernement de Nicolas Maduro a utilisé le pouvoir répressif de l’État précisément pour protéger les capitalistes des effets de ces sanctions et de la crise, en amplifiant ses conséquences sur les travailleurs et le peuple en général.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement se vante d’une prétendue reprise économique et d’un boom de l’investissement privé, alors que les travailleurs ont perdu la quasi-totalité de leurs droits sociaux et au travail. C’est le gouvernement du PSUV, celui qui a maintenu pendant trois ans les salaires des travailleurs gelés à 3,5 dollars par mois, celui qui a bonifié les revenus des travailleurs, celui qui a éliminé de facto les avantages sociaux des travailleurs, celui qui a imposé des résolutions régressives telles que les instructions de l’ONAPRE et le mémorandum 2792, tous deux dans le but de démanteler les conventions collectives des travailleurs du public et du privé.

À cette destruction des droits du travail s’ajoute une politique de répression violente visant à criminaliser et à poursuivre les luttes syndicales menées par les travailleurs afin de recouvrir leurs droits.

Pour la classe ouvrière vénézuélienne, le gouvernement du PSUV n’est pas l’expression d’un quelconque intérêt progressiste ; au contraire, il est la personnification des besoins les plus féroces et les plus mesquins du capital dans la phase de crise profonde du capitalisme vénézuélien, rentier et dépendant internationalement.

La crise politique actuelle est une manifestation violente des caractéristiques spécifiques d’un conflit historique, celui entre les fractions de la bourgeoisie nationale et celles tendant à l’international pour le contrôle de la rente pétrolière vénézuélienne.

Le PCV défend la ligne stratégique consistant à construire une alternative ouvrière et populaire aux deux pôles de la bourgeoisie, tout en combattant et en défaisant la tendance à la consolidation des formes politiques de gestion autoritaire, tendance vers lesquelles les forces du capital avancent dangereusement dans le contexte de la crise aiguë.

Permettre à l’une ou l’autre des deux fractions de la bourgeoisie de s’imposer par la fraude électorale ou par un coup d’État, c’est faire un pas vers la consolidation d’un régime autoritaire adapté à cette offensive du capital contre les travailleurs vénézuéliens.

Héctor Alejo Rodríguez,

Secrétaire aux relations internationales du CC-PCV. »


  1. Concernant les faits de la répression, on se réfèrera à ce dernier communiqué du PCV : “CP of Venezuela, PCV condemns cruel treatment and torture of minors arbitrarily detained after elections” sur solidnet.org (www.solidnet.org/article/CP-of-Venezuela-PCV-condemns-cruel-treatment-and-torture-of-minors-arbitrarily-detained-after-elections/)