Les luttes de classes autour de l’éducation et ses institutions publiques en France sont de première importance pour la jeunesse populaire, qui plus est dans le contexte de l’offensive généralisée de la bourgeoisie française sur tous les compromis conquis à la fin de la Seconde Guerre mondiale par un camp communiste fort.
L’éducation pose à la jeunesse et ses demandes politiques un paradoxe dont la social-démocratie sait parfaitement faire usage : en défendant nos droits sociaux, juridiques et politiques, les mots d’ordres et formes d’organisation défendent souvent des institutions publiques jugées radicalement différentes de la police ou de l’armée, des institutions pouvant garantir des droits et des conquêtes sociales caractéristiques d’un “État social”.
En publiant cet article paru dans le dernier numéro d’Intervention Communiste (184), nous revenons sur les nombreuses mesures offensives visant à restructurer l’éducation nationale sur son contenu de classe au-delà des fragiles compromis passés : la reproduction de la force de travail pour le maintien des rapports d’exploitation.
Nous ne passons pas d’institutions publiques pouvant garantir une potentielle égalité sociale à une « privatisation » d’un État « néo-libéral » : nous nous trouvons dans une séquence de luttes de classes où les monopoles français cherchent à détruire les nombreux compromis conquis en profitant de la dispersion du mouvement communiste révolutionnaire en France et du mouvement ouvrier en général.
La jeunesse populaire doit se retrouver autour de l’objectif stratégique de la reconstruction et la consolidation d’un parti Communiste fort, en s’entraînant à la bataille dans les enjeux tactiques cruciaux que sont non pas la seule défense des services publics, mais la promotion offensive d’un autre État et d’une autre organisation à la base : le socialisme-communisme et un État ouvrier seuls à même de fournir l’éducation démocratique, gratuite et émancipatrice dont nous avons besoin.
« Si on avait besoin d’un exemple significatif de ce qui se joue politiquement au cœur de l’État bourgeois français, avec le nouveau gouvernement Barnier, la nomination d’Anne Genetet au ministère de l’Éducation est un des plus parlants : une macroniste de la première heure (réélue députée depuis 2017), qui ne connaît rien au système éducatif (membre des commissions « Affaires étrangères » et « Défense »…), flanquée d’un ministre délégué LR (Alexandre Portier), qui partage avec elle une adhésion totale aux mesures Attal les plus rejetées (notamment les groupes de niveau en collège) et à l’austérité budgétaire programmée (692 millions d’euros rendus par l’Éducation nationale en février 2024…).
À la suite des 4 ministres qui l’ont précédée depuis 15 mois, tous décriés pour leur affligeante soumission aux volontés macroniennes, le choix d’Anne Genetet est légitimement qualifié de « consternant » par les principales organisations syndicales de l’Éducation, tant fait défaut toute légitimité de cette politicienne à la tête de ce ministère.
Mais la surprise est vite passée si on se rappelle l’objectif fondamental de la classe dominante en régime capitaliste : non pas former mais formater la jeunesse, non pas émanciper mais trier les futurs travailleurs pour assurer la reproduction sociale nécessaire à la poursuite du système d’exploitation. Et dans l’immédiat, pour le gouvernement Macron/Barnier, utiliser l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur comme marges de manœuvre propices aux économies budgétaires à réaliser notamment dans les services publics.
En effet, de la bouche même de la ministre précédente, Nicole Belloubet, on apprenait, le 27 août 2024, que le projet budgétaire adressé par Matignon à son ministère pour 2025 « ne répond pas à l’ensemble [des] besoins » ; c’est dire que la forte dégradation des conditions de travail et d’étude au sein du système public d’éducation ne pourra que s’aggraver.
Du côté des postes de professeurs, la crise de recrutement s’accentue, avec plus de 3 000 postes vacants pour la rentrée 2024, s’ajoutant aux 13000 postes non pourvus entre 2017 et 2023 ! Les démissions d’enseignants ont été multipliées par 8 en 15 ans (de 364 en 2008 à 2836 en 2023), tant les bas salaires et les mauvaises conditions de travail rendent ce métier peu attractif. Mécaniquement, le recrutement de contractuels a augmenté. Dans l’enseignement public, ces derniers sont désormais 49 000 (près de 7 % des effectifs), soit 10 000 de plus qu’il y a deux ans ; cette précarité accrue permet de fragiliser davantage les concours de recrutement et de renforcer la caporalisation du métier d’enseignant.
Du côté des élèves, la « rationalisation » de la dépense publique accompagne les réformes régressives imposées depuis des décennies ; des fermetures de classes (au moins 600 classes à l’école primaire, et, selon les hypothèses, de 1000 à 1450 classes au collège…), des suppressions d’emplois encore programmées pour 2025 (de 1380 à 1820, selon Bercy), un manque de place criant en lycée (notamment en lycée professionnel) qui laisse sur le carreau des milliers de collégiens sans affectation à la rentrée 2024 (près de 27 000 fin d’août, plus de 13 800 élèves encore en attente de place en établissement scolaire deux semaines après cette rentrée…) ; même situation d’attente d’affectation pour des dizaines de milliers de bacheliers, passés par le tri opaque de Parcoursup, et qui, au cœur de l’été 2024, étaient 85 000 à n’avoir reçu aucune réponse favorable à leurs vœux (près de 8000 de plus qu’en 2023 à la même époque).
Les étudiants, quant à eux, prennent de plein fouet les effets désastreux des 900 millions d’euros d’économies imposés par l’État l’année dernière, puisque selon le syndicat Snesup-FSU, quatre universités sur cinq prévoient de terminer l’année en déficit budgétaire. Classes surchargées (les TD peuvent désormais dépasser les 60 étudiants), problèmes de chauffage, rénovations suspendues… ; dans au moins 60 universités sur 75, les difficultés financières sont telles que les directions de ces établissements procèdent au non-remplacement des départs à la retraite ou à la baisse du nombre de personnels administratifs, et envisagent, pour faire des économies sur le chauffage, de fermer les locaux en hiver, ou d’envoyer les étudiants en stage à la période hivernale, ou encore de faire des cours en visio-conférence…
De telles conditions sont inadmissibles pour toutes et tous, mais elles pèsent plus lourdement encore pour les jeunes des milieux populaires, renvoyés à leur situation de laissés-pour-compte telle que la produit inévitablement notre société capitaliste vouée à la seule loi du profit.
Cette jeunesse populaire, qui verra sa colère ressurgir plus fortement tôt ou tard, est celle qui devra s’unir à toutes les victimes du capitalisme, en particulier celles de la classe ouvrière, pour renverser enfin ce vieux monde insupportable. C’est aussi vers elle que se tourne notre Parti, le PCRF, pour construire la voie révolutionnaire de ce renversement et ouvrir la perspective d’une nouvelle société, celle du socialisme. »