Sur les récentes exactions d’HTC en Syrie et les luttes de classes en cours — Communiqué du Secrétariat de l’UJC

Depuis le renversement du régime bourgeois de Bachar al-Assad, la propagande de l’État français offre un spectacle surprenant : oscillant entre soutien aux nouvelles forces islamistes au pouvoir et attente de l’évolution de la situation, comme le notait le ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barrot décrivant un soutien « conditionné » et « réversible ».

Au-delà des euphémismes, la réalité de la Syrie aujourd’hui et de la domination politique d’HTC ne devrait appeler ni condition, ni réversibilité, mais condamnation ferme : la nouvelle force politique dirigeante commet exactions et crimes sur la population syrienne sous couvert de lutte contre des forces pro-Assad, principalement sur les communautés alaouites vivant sur le littoral Syrien.

Aujourd’hui, alors que le peuple syrien ne peut pas même avoir accès aux besoins populaires les plus élémentaires, HTC préfère mener des frappes conjointes au nord du Liban avec l’État israélien, participant donc activement à l’embrasement régional.

Les hésitations et euphémismes de la diplomatie française reflètent les intérêts de la bourgeoisie française : en attente de l’évolution de la situation, elle préfère juger sur pièce la capacité d’HTC à mater le peuple syrien et ses différentes minorités nationales tout autant que ses capacités militaires régionales, avant d’engager de possibles contrats et nouveaux profits dans la reconstruction impérialiste et rapace de la Syrie. En témoignent les levées de sanctions de l’Union Européenne décrites dans ce communiqué, signes de l’observation attentive de nos monopoles des résultats des crimes commis en Syrie pour leurs profits.

Nous et notre parti avons condamné et dévoilé dès le départ la nature bourgeoise et réactionnaire d’HTC, sur laquelle nous revenons dans ce communiqué.

Seul le peuple syrien et en particulier le prolétariat syrien doivent décider de l’avenir de la Syrie en toute indépendance des plans impérialistes !

Solidarité internationale face à l’impérialisme mondial !


« Le 08 mars 2025, nous apprenions les exactions du régime de transition syrien sous direction du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC) dans l’ouest de la Syrie sur ses côtes méditerranéennes. Dans les régions de Lattaquié et Tartous, anciennement fidèles au régime de Bachar al-Assad, se sont en effet déroulés des massacres de masse contre des civils alaouites par les forces armées d’HTC, qui ont causé plus de 1000 morts en quelques jours.

Le groupe HTC renverse le gouvernement de Bachar al-Assad en décembre 2024 (plus d’informations dans Intervention Communiste n°186, p.12). Des faits de détention abusive de civils par HTC sont déjà relevés en 2019, surtout pendant la prise de la province d’Idlib et à Alep. 11 civils ont témoigné de détention dans des conditions abusives et de torture à des organisations internationales. Sur les cas de torture, il y aurait jusqu’à 22 méthodes documentées pratiquées par HTC, selon un rapport d’une organisation étatique des États-Unis.

Face à la prise de pouvoir d’une organisation djihadiste issue de l’organisation Al-Qaïda, nous n’assistons pas à une levée de boucliers humanitaires de la part de l’impérialisme mondial, ni même à une forme de solidarité ou de soutien aux masses alaouites massacrées ou ne serait-ce qu’à une forme de condamnation morale. Rappelons d’ailleurs que la bourgeoisie française et son appareil de dictature ont annoncé qu’HTC est une organisation de « combattants de la liberté et de la démocratie ». Pourquoi ce deux poids deux mesures ?

Rappelons d’abord les éléments de bases de la situation syrienne. La guerre civile syrienne commence en 2011 dans le mouvement populaire du « printemps arabe ». Très rapidement, la guerre civile s’internationalise et devient l’un des cœurs battants des contradictions interimpérialistes. Il s’agit, pour l’impérialisme mondial, d’un territoire stratégique pour les exportations de capitaux et de par sa position géographique : trois pipelines traversent la Syrie et d’importants gisements de gaz et de pétrole sont les convoitises des bourgeoisies monopolistes dominantes dans le monde. Depuis 2011, l’incertitude et la violence règnent en Syrie du fait des concurrences interimpérialistes, et la bourgeoisie monopoliste française n’est pas en reste : pour prendre quelques exemples Total a signé trois accords pétroliers et gaziers avec la Syrie en 2008 à « valeur stratégique » (expression de Total), accompagnés par Nicolas Sarkozy lui-même lorsqu’il était président ; Carrefour avait annoncé l’ouverture d’un hypermarché en Syrie en 2008 ; Schneider Electric (monopole français leader mondial des solutions numériques d’énergie et des automatisations pour l’énergie) fait mention, dans un document de 2014, de grands projets en cours en Syrie, et en 2016 ces projets sont toujours mentionnés avec la participation à un centre hôtelier.

Rappelons également que le territoire syrien se trouve actuellement divisé par trois forces militaires : la majorité du pays (du nord au sud) est contrôlé par HTC, l’est du pays est sous contrôle des forces kurdes (qui ont signé un accord pour entrer dans le gouvernement d’HTC le 11 mars 2025) et le plateau du Golan est toujours sous l’occupation coloniale israélienne. La situation est donc à l’instabilité et l’incertitude totales pour les masses populaires syriennes comme pour l’impérialisme.

Pourtant les principaux cartels mondiaux de l’impérialisme avec l’Union Européenne (UE) en tête suspendent nombre de leurs sanctions économiques. L’UE a décidé de retirer cinq banques systémiques (en ce que le monopoles sont dépendants d’elles) syriennes de la liste des entités soumises au gel des fonds et des ressources économiques, et d’autoriser la mise à disposition de fonds et de ressources économiques à la Banque centrale de Syrie. L’UE a également suspendu les mesures sectorielles dans les secteurs du pétrole, du gaz, de l’électricité et des transports et a introduit des dérogations à l’interdiction des relations bancaires entre les banques syriennes et les institutions financières de l’UE afin de faciliter les transactions à des fins humanitaires et de reconstruction, ainsi que dans les secteurs de l’énergie et des transports. L’UE ouvre donc la possibilité de nouveaux contrats profitables en Syrie petit à petit.

Contre l’UE se dressent d’autres monopoles à la posture davantage agressive. Il s’agit notamment des monopoles turcs par des droits de douane sur les marchandises importées depuis la Turquie qui ont été multipliés de 3 à 5 fois sur l’essence, le ciment et la farine. Le 14 mars 2025 les forces armées turques ont mené un raid de drones sur la ligne Sarrin au sud de Kobané. Les monopoles qataris, centraux dans le Moyen-Orient, cherchent aussi à jouer leurs cartes. Le Qatar et la Turquie vont envoyer deux navires produisant de l’électricité. La Turquie veut reconstruire les routes et les infrastructures ferroviaires. Le Qatar devrait financer l’augmentation de 400% des salaires des fonctionnaires qui a été promise pour la reconstruction par de la dette financière.

Les exactions commises s’inscrivent donc dans le cadre du démantèlement international impérialiste de la Syrie, de la mise au pas du peuple Syrien par HTC devant encore faire ses preuves à l’impérialisme mondial désirant une situation avec un minimum de stabilité politique pour pouvoir s’y investir. Faire preuve de stabilité est donc aussi et surtout synonyme pour les monopoles d’être en capacité de ce type d’exactions et de terreur. Les preuves que doivent faire le gouvernement d’HTC pour montrer patte blanche à l’impérialisme se jouent également sur le plan international. HTC bombarde l’ouest du Liban en même temps que Tsahal mène sa troisième opération terrestre contre la ville de Yaroun au sud du Liban, violant dans la nuit du 16 au 17 mars les conditions du cessez-le-feu jusqu’alors appliqué. La violation par Israël des conditions du cessez-le-feu en cours à Gaza pendant la nuit du 17 au 18 mars n’est pas étrangère aux luttes de classes en cours en Syrie.

Le pétrole, le gaz comme les pipelines sont, aux côtés de la reconstruction du pays estimée à 400 milliards de dollars par l’ONU, autant de sujets de profit rapide et gigantesque pour les monopoles des bourgeoisies de l’impérialisme mondial. La diaspora syrienne depuis 2011 est également un sujet important pour l’impérialisme mondial car les bourgeoisies la considèrent comme une force de travail corvéable à merci dans les conditions d’une Syrie dominée et écrasée par les monopoles de différents pays. Le silence poli de l’appareil d’État français après son enchantement de décembre démontre donc l’attente du développement de la situation pour la bourgeoisie monopoliste française : l’attente de savoir si oui ou non HTC, sous direction de al-Joulani, saura mater le peuple syrien pour son profit. Aussi et enfin la Syrie serait une place rêvée pour la bourgeoisie française dans la région : n’oublions pas les vue de la bourgeoisie française au Liban.

Face à l’impérialisme rapace : pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes !

Internationalisme prolétarien contre l’impérialisme mondial ! »